INTÉRESSANT. Et si ça arrive la bas ,faudrait pas s’étonner que ce soit peut être pareil ici.(surtout la phrase sur l’état des routes)
La commission d'enquête sur le secteur du bâtiment dévoile les pots-de-vin touchés par les élus et les fonctionnaires. [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Voici Lino Zambito, ex-entrepreneur en bâtiment, Sicilo-Canadien.
Il a longtemps été l'un des intermédiaires entre le crime organisé et le
pouvoir municipal montréalais. Pendant deux décennies, les marchés
publics de Montréal ont été attribués, sans appels d'offres, à un petit
groupe d'entreprises du bâtiment proches de la mafia. Toujours les mêmes. Les montants des contrats publics ont été gonflés.
Démasqué,
Zambito a tout perdu, sauf sa pizzeria, alors il balance à tout va
devant la commission d'enquête sur l'industrie de la construction,
présidée par la juge France Charbonneau. Il versait 2,5 % du montant des
contrats à la mafia et 3 % aux élus du parti du maire de Montréal,
Gérald Tremblay. «Je n'étais pas un ange. Je finançais des partis
politiques. Je corrompais des officiels. Mais on n'avait pas le choix,
le système est malade et corrompu.» Les déclarations de Lino Zambito à
la mi-octobre ont fait l'effet d'une bombe. Elles attirent l'attention
sur la commission, dont les travaux vont durer un an. Si des liens sont
prouvés entre le crime organisé, le pouvoir politique et les milieux
d'affaires, les procès viendront plus tard. En attendant, place aux
révélations.
Les repentis se succèdent. Au tour de l'ex-ingénieur
en chef de Montréal, Gilles Surprenant, surnommé dans le milieu
«Monsieur TPS» (taxe pour surprenant) - la TPS, taxe sur les produits et
services, est l'équivalent de la TVA. Jeune retraité, c'est un potache
pris en flagrant délit de chapardage. Il desserre mécaniquement sa
cravate. Monsieur TPS est une vedette malgré lui. Me Gallant lui demande
qui l'a introduit dans les milieux du crime organisé: «Un comptable de
la ville, Marcel Vallée.» Grâce à lui, Gilles Surprenant rencontre, au
début des années 1990, l'un des parrains de la construction, Frank
Catania. Cet Italo-Canadien le met au parfum: «Les gens qui nous
empêchent de manger, on les élimine.» L'ingénieur comprend. Il gonfle
les contrats des appels d'offres de la ville. Il donne les listes
d'entreprises soumissionnaires à la mafia. Les mafieux le remercient
avec de petites enveloppes de 4000 dollars, pour un total de
600.000 dollars en une dizaine d'années.
Le parrain de la mafia
montréalaise, Vito Rizzuto, est content de lui. Il l'invite, avec
d'autres hauts fonctionnaires, à jouer une semaine au golf en République
dominicaine. Tous se laissent prendre en photo. L'ingénieur véreux
revoit Rizzuto plus tard dans le club de golf montréalais Le Mirage,
propriété de Céline Dion
et de son époux, René Angelil. La juge Charbonneau écarquille les yeux.
La commission a elle-même été éclaboussée: le procureur en chef,
Sylvain Lussier, a démissionné récemment, accusé de conflit d'intérêts
avec une entreprise mise en examen.
Guerre des gangsLes
révélations de la commission ont provoqué une guerre des gangs. Les bars
italiens résistent bien mal aux cocktails Molotov depuis quelques
semaines dans les quartiers montréalais de Saint-Léonard et de la
Petite-Italie, et dans la banlieue dortoir de Laval, où le maire Gilles
Vaillancourt est accusé de toucher 2,5 % sur les contrats publics.
Libéré début octobre d'un pénitencier du Colorado, Vito Rizzuto va
devoir réaffirmer son autorité.
Les mauvais garçons se repentent
chaque dimanche à l'église Madonna de la Difesa, dans la Petite-Italie.
Une immense fresque de Mussolini domine les fidèles. Entourant le Duce
sur son cheval d'apparat, ses généraux à droite et le clergé à gauche.
C'est l'église où le parrain de la mafia montréalaise, Nicolo Rizzuto
Senior, abattu par un tueur à gages, a été enterré en grande pompe en
2010.
Certains fidèles préfèrent garder leurs lunettes noires.
«La commission montre que les schémas de corruption sont très simples:
des petites enveloppes de billets de la main à la main. Le système
n'avait pas besoin d'être sophistiqué, puisque la police n'enquêtait
pas», souligne une criminologue. La corruption et l'emprise de la mafia
sur le Québec sont depuis des années un secret de polichinelle.
«Lorsque
nous faisons des routes, nous ne mettons pas la même épaisseur de
gravier qu'ailleurs. C'est pour cela que les routes sont en mauvais
état. Rien à voir avec le climat», confie un ingénieur d'une grande
entreprise de génie civil.
«La province la plus corrompue du
Canada», titre une revue torontoise. Devant la commission Charbonneau,
Lino Zambito a écorché plusieurs ministres du gouvernement libéral, au
pouvoir jusqu'en septembre. L'ancienne ministre de l'Éducation, Line
Beauchamp, mais aussi la vice-premier ministre Nathalie Normandeau, à
laquelle l'homme d'affaires aurait donné 110.000 dollars pour sa
campagne. Le Québec attend avec impatience que soit cité le nom de Jean
Charest. Les indépendantistes du Parti québécois, au pouvoir depuis un
mois et avant 2003, sont étrangement muets.
Les politiciens mis en
cause nient. «J'étais trop haut placé pour me rendre compte de ce qui
se passait», dit l'ancien directeur général de Montréal, Robert
Abdallah. Il sort de sa musette un schéma d'écolier avec des appels
d'offres. Robert Abdallah, numéro deux de la municipalité de 2003 à
2006, a perdu la mémoire. Il est bien allé sur le yacht de «Tony
d'Accurso, un ami de trente ans», mais n'y a jamais croisé ni
politiciens, ni personnalités, ni criminels. La juge Charbonneau recoupe
les informations, prend son temps. Elle a jusqu'en octobre 2013 pour
rendre ses conclusions.