Après une année 2011 chahutée par la révolution, le concessionnaire automobile Ennakl renoue avec la croissance. Et depuis que l'État a annoncé son intention de céder 60 % du capital, son titre en Bourse décolle.Le 26 juin, Abderraouf Menjour, administrateur judiciaire du concessionnaire automobile tunisien Ennakl, a annoncé la cession des 60 % du capital confisqués par l'État au lendemain de la révolution au groupe Princesse Holding, dirigé par Sakhr el-Materi, gendre du président déchu Ben Ali. Tunis a confié l'évaluation de l'entreprise à la Banque d'affaires de Tunisie, et le dossier d'appel d'offres devrait être bouclé d'ici à septembre.
« L'État a prévu la cession dans son prochain budget, elle aura donc lieu avant la fin de l'année », assure Kais Kriaa, analyste chez AlphaMena. Cotée à Casablanca (10 % du capital) et à Tunis (30 %), la valeur a connu depuis l'annonce une progression respective de 17 % et 9 %, et en moyenne de 30 % depuis le début de l'année. Une belle reprise, alors que le titre avait perdu sur l'année 2011 quelque 15,7 %.
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Un autre événement a participé à ce rebond. Le groupe Poulina a annoncé il y a quinze jours avoir dépassé le seuil des 5 % du capital d'Ennakl à travers des achats d'actions. En consortium avec Bayahi, il serait d'ailleurs sur les rangs pour l'acquisition des parts de l'État, dont la valorisation pourrait atteindre 270 millions de dinars (135 millions d'euros). D'autant que, en cas d'arrivée de capitaux étrangers - une hypothèse largement évoquée -, une coentreprise avec des intérêts tunisiens ne ferait guère de doute. « La loi ne permet pas actuellement la détention d'une société commerciale par des étrangers, sauf autorisation exceptionnelle », rappelle Kais Kriaa. Parmi les prétendants non tunisiens, des Qataris et l'allemand Volkswagen (marque distribuée par Ennakl, tout comme Audi, Porsche et Seat) font figure de favoris, « mais n'oublions pas les Chinois, qui ont les moyens et des ambitions chez nous », complète l'analyste.
Dans l'attente
Si le cours a repris des couleurs, la valeur reste peu liquide car les porteurs se retiennent, en attendant un éventuel repreneur. Mais globalement, « avec le retour progressif à la stabilité politique en Tunisie, Ennakl semble retrouver graduellement son volume d'activité d'avant la révolution », remarque Hajar Tahri, analyste financier chez le marocain BMCE Capital. De fait, le concessionnaire continue de démontrer sa position de leader, avec 19,3 % de part de marché en 2011 (contre 20,9 % en 2010).
L'activité de la société s'est redressée au premier trimestre, notamment par rapport à la même période en 2011, au plus fort de la révolution, pendant laquelle le concessionnaire n'a quasiment pas vendu de véhicules. Finalement, l'année 2011 aura tout de même été meilleure que prévu par les analystes. Le chiffre d'affaires consolidé d'Ennakl s'est établi à 275 millions de dinars (421 millions en 2010, dont 44,5 millions grâce à l'activité véhicules industriels cédée entre-temps à Princesse Holding).
Une reprise de la croissance qui se confirme cette année : le chiffre d'affaires au 31 mars a atteint 42,9 millions de dinars, contre 36,9 millions un an plus tôt, soit une progression de 16,3 %. « La marge brute est passée de 11,3 % au premier trimestre 2011 à 16,4 % au premier trimestre 2012 », relève AlphaMena, alors que les résultats du deuxième trimestre devaient être publiés en fin de semaine dernière. Très probablement, le chiffre d'affaires repassera la barre des 300 millions de dinars en 2012, pour atteindre un peu moins de 400 millions de dinars en 2013.
Parmi les éventuels repreneurs figure le consortium Poulina-Bayahi.
Le retour à la stabilité politique et la configuration réglementaire restent des éléments clés : si les avantages accordés perdurent (Volkswagen dispose actuellement des quotas d'importation les plus importants, et les taxis et les sociétés de leasing se servent en priorité chez Ennakl), alors le groupe retrouvera un bon niveau de croissance, estime BMCE Capital. « Des discussions sont en cours entre le ministère du Commerce et les concessionnaires pour l'abandon des quotas », indique Kais Kriaa, qui ne se positionne pas tout à fait sur la même ligne que le cabinet marocain. Pour lui, les Tunisiens sont attachés à la marque Volkswagen, et la libéralisation du marché ne pourrait que bénéficier à Ennakl, « sauf si une autre marque, comme Hyundai, très populaire en Égypte par exemple, faisait son apparition ».
Acheter ou vendre ?
De fait, à Casablanca et à Tunis, les visions divergent. Côté marocain, BMCE Capital estime que « l'évolution future du titre devrait dépendre du prix de cession au repreneur stratégique, des perspectives d'évolution du marché automobile tunisien et de la réglementation des quotas actuellement en vigueur, lesquels favorisent largement Ennakl ». « Nous recommandons de vendre le titre, valorisé par nos soins à 42,22 dirhams [soit 7,60 dinars, NDLR], et de profiter de la fièvre haussière que connaît le cours actuellement », conclut Hajar Tahri. A contrario, Kais Kriaa recommande d'acheter sur la Bourse de Tunis, anticipant une OPA au lendemain de la cession des actifs confisqués, qui pourrait voir le titre racheté à 15 dinars l'action (contre moins de 13 dinars actuellement).