Bourse de Casablanca : Une ouverture du capital très compromise
JEUDI, 09 MAI 2013 13:27 Finances News .
Les institutionnels ne sont pas très emballés à l’idée de s’inviter dans le tour de table de la Bourse de Casablanca.
Après une chute du bénéfice de 57% en 2011, l’institution pourrait encore faire les frais du marasme qui a frappé la place tout au long de l'année 2012. Les sociétés de Bourse, principaux actionnaires de la Bourse de Casablanca, tirent la gueule.
Il s’est écoulé maintenant vingt ans depuis la grande réforme du marché boursier. Aujourd’hui, 1993 paraît bien loin. Trop loin. L’évolution rapide de l’environnement des marchés financiers a très vite permis de mettre à nu les limites de cette réforme. Bien évidemment, au fil du temps, des ajustements ont été apportés ici et là afin de se mettre en phase avec les standards internationaux. Mais ces «réformettes» sont jugées actuellement très insuffisantes. Et les différents intervenants du marché, actuellement aux abois, au regard notamment de l’atonie qui plombe la place, sont montés plusieurs fois au créneau pour réclamer une réforme en profondeur. A l’image notamment de celle qui a eu lieu il y a deux décennies. L’argentier du Royaume, Nizar Baraka, a promis de s’y atteler. Et l’une des réformes promises, et par ailleurs très attendue, reste l’ouverture du capital de la Bourse aux institutionnels. Pour rappel, c’est durant la réforme majeure du marché boursier en 1993 qu’a été créée la Société de Bourse des Valeurs de Casablanca, société privée gestionnaire de la Bourse des Valeurs, qui a changé de dénomination en 2000 pour devenir Bourse de Casablanca. Elle est dotée d’un capital de 19.020.800 DH, détenu à parts égales par les 17 sociétés de Bourse qui exercent sur le marché boursier marocain. Dans le cadre de la réforme préconisée, l’idée est justement de permettre aux institutionnels d’entrer dans le tour de table de cet établissement, avec pour objectifs principaux d’en améliorer la gouvernance et de lui insuffler une nouvelle dynamique. D’ailleurs, Faouzia Zaaboul, directrice du Trésor et des Finances extérieures, disait à ce propos qu’«il faudrait que la Société gestionnaire de la Bourse de Casablanca, qui gère un monopole naturel et a une prérogative de puissance publique, sorte de son cadre mutualiste pour adopter un statut qui va lui permettre de se déployer à l’international».
Un vœu pieu ?
Avec le recul, l’ouverture du capital de la Bourse de Casablanca paraît pourtant peu probable. Simplement parce qu’une telle opération a peu de chances de rencontrer un succès au niveau local. En réalité, quand bien même les sociétés de Bourse voient d’un bon œil le remodelage de la géographie du capital, les principaux concernés, à savoir les institutionnels, n’y adhèrent pas du tout. «Les institutionnels ne sont pas du tout emballés par une telle opération. Il faut savoir que ce sont avant tout des entreprises, donc guidées par une logique de profits. Or, les résultats de la Bourse de Casablanca SA évoluent en dents de scie et se sont fortement dégradés en 2011 à cause d’un marché boursier étroit, sans profondeur, déserté par les investisseurs et qui n’arrive plus à séduire les entreprises potentiellement cotables», précise une source du marché. En effet, les produits d’exploitation de la Bourse sont passés de 183 MDH en 2010 à 109 MDH en 2011, soit une régression de 40,4%. Parallèlement, le résultat net s’est dégradé de plus de 57%, passant d’un exercice à l’autre de 75 à 32 MDH. Et au regard de la morosité du marché tout au long de l’année dernière, il ne faudrait guère s’attendre à des miracles : le résultat annuel 2012 risque encore de dévisser, voire de tomber dans le rouge comme c’était le cas en 2002 où il s’était établi à -0,6 MDH. «Aujourd’hui, les pré-requis ne sont pas encore réunis pour que les institutionnels marocains s’invitent dans le tour de table de la Bourse de Casablanca. Cette institution a certes besoin de s’appuyer sur des actionnaires de référence, mais elle a surtout besoin d’évoluer au sein d’un environnement qui lui donne les moyens de mettre en place une industrie boursière forte. Les institutionnels ne pourraient éventuellement suivre que s’ils ont de la visibilité dans ce sens, et une fois toutes les réformes promises par les autorités parachevées», ajoute notre source. «A moins de forcer la main à certains institutionnels publics, ce qui serait contraire à l’esprit de la réforme», conclut-il.
Les réticences des institutionnels marocains expliqueraient-elles alors pourquoi ce projet d’ouverture du capital de la Bourse tarde autant ? Peut-être. C’est certainement ce qui a nourri, il y a quelque temps, la rumeur d’une cession de la Bourse. Une information rapidement démentie, mais qui, pour certains observateurs, reste toujours une possibilité à ne pas écarter.
Urgence
Il y a urgence à réagir vite. Les intermédiaires, principaux actionnaires de la Bourse de Casablanca, tirent la gueule face au marasme qui frappe le marché. Déjà, en 2011, elles ont fait les frais de l’atonie qui a prévalu sur la place, réalisant un chiffre d’affaires de 251 MDH, en baisse de près de 34%. Cette baisse d’activité a négativement impacté leur résultat net qui a plongé de 59% pour s’établir à 57 MDH, avec à la clé sept sociétés de Bourse qui ont enregistré un résultat déficitaire contre 3 en 2010. Et tout laisse croire que l’exercice 2012, qui n’aura connu aucune introduction en Bourse, pourrait être pire en termes de performance. Et si, toutefois la Bourse de Casablanca accuse des pertes, les sociétés de Bourse devront aussi faire une croix sur les dividendes éventuels. De toute évidence, on n’est pas loin de l’époque où, face au marasme aigu qui frappait le marché, les plus fragiles d’entre elles furent contraintes de mettre la clé sous le paillasson, alors que d’autres, particulièrement celles adossées à des grands groupes, procédaient à des redéploiements du personnel et/ou à des réductions d’effectif.
Autant dire donc que leur situation n’est guère reluisante. Les investisseurs, particuliers comme institutionnels, sont logés à la même enseigne, face notamment à l’érosion continue des cours. A ce titre d’ailleurs, la situation des compagnies d’assurance est pour le moins préoccupante. Selon la Direction des assurances et de la prévoyance sociale, en 2011, l’encours des actions cotées détenu dans le portefeuille des entreprises d’assurances et de réassurance était toujours prépondérant, soit 82% des actions directes avec un montant de 26,2 Mds de DH, contre 18% des actions non cotées. Et la plus-value latente globale des actions cotées en Bourse, estimée à 11,9 Mds de DH, a accusé une très forte régression de 47%. Si la Bourse continue dans sa chute, le pire est à craindre pour ces poids lourds de l’économie.
En conséquence, tous les intervenants du marché semblent actuellement broyer du noir. Et il n’y a pas de recette miracle : il faut un marché dynamique et une inversion de la tendance baissière des cours. Cette impulsion ne viendra que de la mise en œuvre rapide des réformes, laquelle bute malheureusement sur les longs délais relatifs à l’adoption des textes de loi qui sont un boulet à la fluidité des affaires. La question est donc de savoir combien de temps tous ces intervenants pourront tenir le coup. Wait and see !
D. William