Bonsoir à tous,
La fin de l’année est la période idéale pour faire les bilans et prendre des résolutions.
Encore une année morose, un MASI dans le rouge, une grosse capitalisation qui se retire, des volumes faibles, des capacités bénéficiaires qui se contractent, des taux d’endettement faramineux, des sociétés en quasi-faillite, des caisses de retraites qui cumulent les moins-values, un gendarme du marché en hibernation, et petits-porteurs laissés à eux-mêmes. Le moral et le portefeuille des investisseurs sont réduits à néant ! Soit !
Si le début de l’année 2015 avait pu déceler quelques signaux d’un bon exercice boursier, la fin nous a montré tout le contraire et l’espoir de réaliser des gains s’est réduit comme une peau de chagrin.
Pourquoi ce marché n’arrive –t-il pas à se redresser et renouer avec la croissance ? Aura-t-on droit à un renversement de tendances et un retour des années folles ?
Pour essayer de répondre à ces questions, revisitons l’histoire, car comme dans les graphes, les figures se répètent (ou doivent se répéter), les faits devraient se répéter pour marquer des cycles. Visitons l’histoire puis essayons d’en parler.
Retour en arrière
1993, la réforme de la bourse est enclenchée : textes de lois, création du CDVM, conditions de séjour dans la bourse, flottant, nombre de titres cotés…etc
Les premiers jalons de la communication financière sont mis en place et notamment pour les résultats semestriels. L’obligation de profit warning en cas de survenance de « tout fait intervenant dans leur situation commerciale, technique ou financière, et pouvant avoir une influence significative sur les cours en bourse de leurs titres ». (Article 18 du Dahir du CDVM). Ces nouvelles obligations assez contraignantes allaient changer la donne. Plusieurs sociétés ne respectant pas les nouvelles dispositions ont été radiées par le CDVM. D’autres ont choisi cette moitié de la décennie 90 pour sortir du marché de leur plein gré et continuer à faire prospérer leurs affaires dans l’ombre.
Pour l’histoire, j’en cite quelques unes que certains reconnaitront :
- Maysonnier : spécialisée dans le bois de construction
- Chimicolor : société emblématique de peintures du Groupe Aggouzal, en liquidation depuis, ayant donné son nom au rond-point Dakar (Emile Zola)
- CMM : comptoir métallurgique, société du groupe Holmarcom
- OMI : société holding du groupe Holmarcom
- CEMA : appartenant au Groupe Safari (Karim Lamrani) spécialisée dans le bois
- SOMADIR : appartenant au Groupe Safari (Karim Lamrani) spécialisée dans la fabrication de levure boulangère (quasi monopole, société full cash avec une rentabilité nette avoisinant les 25%)
- CCT : Compagnie chérifienne des textiles
- BNPI : Banque Nationale de Paris Intercontinentale, a fusionné avec BMCI
- …
Au milieu des années 90, l’Etat cherchait de nouvelles mannes financières et à alléger les charges du budget de l’Etat en matière de soutien aux entreprises publiques. La piste de la privatisation et notamment via la Bourse semblait un choix idéal. D’une pierre deux coups, on réanimait également le marché. Parmi les privatisables via la bourse : CTM, SOFAC Crédit et la CIOR (dont une part au groupe Holderbank) en 1993 ont ouvert le bal. L’épargne publique a été mobilisée envers ces participations étatiques. Des schémas de privatisation ont été mis en place dans les années 90 notamment celui de la cession à un noyau dur (consortium d’investisseurs/opérateur industriel) plus le placement en bourse. L’on a vu défiler sur le marché donc les Fertima, General Tire, la SNI, BMCE, Sonasid…Samir-SCE pour ne citer que celles-ci. La mise en place des OPCVM a aussi donné un nouveau souffle à la bourse. Ces nouveaux instruments financiers novateurs à l’époque ont permis la mobilisation de l’épargne des particuliers mais aussi des institutionnels et de les drainer vers le marché. D’autres opérateurs privés allaient faire appel à l’épargne publique et particulièrement Wafabank et ONA.
Un marché plus profond grâce à du papier frais de qualité, plus de liquidité, des joyaux de la couronne mis en bourse…tout ça allait donc attirer les investisseurs étrangers. Soros, Morgan Stanley, Banco Central Hispano-Americano, Nomura, Commerzbank, Indosuez (partenaire du groupe Wafa à l’époque) et bien d’autres ont animé pendant des années la bourse de Casa. Notre bourse décolle, les indices (IGB à l’époque ou le CFG 25) culminaient au sommet, la capitalisation passait d’environ 25 milliards de dirhams en 1993 à près de 145 milliards en 1998 et les volumes des échanges ont décuplé sur cette période.
Mais à partir de 1999, retournement de situation après des années de croissance régulière et soutenue d’environ 20% :
- les cours ont connu une sévère correction
- assèchement des volumes car marché étroit et d’autres sociétés ont été radiées (Orbonor du Groupe Holmarcom (vivons cachés, vivons heureux), Somafic ne respectant plus les conditions de séjour à la bourse concernant la communication financière et puis Financière Diwan (plus de raison de rester en bourse puisque Mr. Soros avait fourgué ses titres aux pp)
- crise dans les marchés occidentaux, donc investisseurs étrangers ont plié bagages vers d’autres marchés émergents de la région MENA jugés plus intéressants en terme de valorisation et de liquidité
- hausse de la courbe des taux donc rémunération plus attractive sur les BdT et autres produits de taux moins risqués que l’action
Le début des années 2000 marque clairement une courbe descendante de l’indice, marché endormi marqué par quelques opérations qui allaient changer fondamentalement les choses. Le marché a encore en mémoire la gueguerre pour le contrôle de la SNI entre ONA et groupe BMCE. Ce dernier en est sorti meurtri et affaibli. Puis hop-hop, rotation ! et c’est la SNI qui contrôle l’ONA. Puis, l’échec du rachat de Al Watanya et un mariage insatisfaisant avec AXA allait pousser l’ONA à chercher une nouvelle compagnie d’assurances. Wafa Assurances semblait la convoitée idéale. Au passage, l’ONA-SNI/BCM rafle un groupe bancaire entier et met la première pierre de la politique des champions nationaux. Un champion bancaire allait financer d’autres champions et leur permettre de grossir. La course vers la taille critique poussait les sociétés à un rachat massif de leurs propres actions et donc une réduction du flottant.
Entre temps, l’Etat continuait la politique de privatisations. Ainsi, en 2001, l’Etat vend à Vivendi 35% du capital de IAM. Puis en 2003, la régie des Tabacs tombe dans l’escarcelle de Altadis.
En 2002, la BCP absorbait la SMDC puis l’Etat vendait 21% du capital de la BCP aux BPR. Ensuite, l’été 2004 s’annonçait chaud…Ah cet été… l’Etat a mis en vente 20% du capital de la BCP sur le marché boursier et s’en tire avec environ 700 Mdh.
Puis vint la deuxième étape de la privatisation de IAM : Vivendi monte 51% la veille de son IPO : ce sont 8 milliards de dh qui ont été levés à travers la cession de 12% du capital de IAM. Une opération grandiose qui a été placée dans les 4 coins du monde.
Retour des étrangers ! Retour de la liquidité et de la profondeur du marché! ah ! attachez vos ceintures, on décolle !
A suivre…