La BCE réitère son action de soutien aux banques[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] | 28.02.12 | 13h40 • Mis à jour le 28.02.12 | 17h24
Après Bazooka I, Bazooka II. La Banque centrale européenne (BCE) va procéder, mercredi 29 février, à une deuxième vague de prêts à trois ans aux banques européennes, au taux de 1 %. Objectif de ce dispositif, annoncé le 8 décembre 2011 : enrayer la paralysie du système bancaire et éviter tout
credit crunch (pénurie de crédits). Et ce, par le biais d'opérations inédites : les prêts de l'institution sont limités à trois mois par temps calme, et jusqu'ici à un an en cas de crise. Le premier opus, lancé le 21 décembre, avait permis de ramener progressivement le calme sur les marchés par le biais d'un prêt global de 489 milliards d'euros. Observateurs et marchés ne tarissent d'ailleurs pas d'éloges sur Mario Draghi, le patron de la BCE.
"Le risque de défaut bancaire pour manque de liquidités est presque complètement écarté", juge Laurence Boone, chef économiste Europe de Bank of America-Merrill Lynch. Et le marché interbancaire s'est dégrippé : l'Euribor à trois mois, le taux auquel les banques se prêtent en euro, est passé, lundi, sous le taux directeur de la BCE, 1 %. Une première depuis treize mois.
Mieux, l'accalmie s'est diffusée à d'autres marchés.
"En permettant aux banques de réduire leur dépendance aux marchés, l'opération a créé un appel d'air pour d'autres types d'émission de dette, comme les dettes d'Etat et d'entreprises", souligne Patrick Jacq, stratège chez BNP Paribas.
"Le climat a totalement changé, la grande terreur du mur de la dette à refinancer a été magistralement écartée par la BCE", abonde Jean Pisani-Ferry, directeur de l'institut Bruegel.
En décembre, le président Nicolas Sarkozy avait expliqué que les banques seraient tentées d'emprunter à bas coûts auprès de la BCE pour racheter des emprunts d'Etat. Le procédé, dit "Sarko Trade", a bien été utilisé. La baisse des rendements d'Etat italiens à dix ans a été spectaculaire, passant de 7,1 % début janvier à 5,4 % mardi. Quant à l'Espagne, elle a déjà emprunté 34 % de ses besoins totaux pour 2012 ! Ce retour au calme a permis à la BCE de ne pas avoir besoin d'acheter le moindre emprunt d'Etat sur les marchés lors des deux dernières semaines...
C'est donc peu dire que les modalités de l'opération de mercredi seront scrutées de près. Les banques devraient emprunter entre 300 et 600 milliards d'euros, le consensus de l'agence Bloomberg prévoyant 470 milliards d'euros, soit sensiblement autant qu'en décembre. Seul bémol mais de taille : l'annonce mardi par la BCE qu'elle n'acceptait temporairement plus la dette grecque en garantie pourrait minorer ces montants de 40 à 50 milliards.
Comme la première fois, les banques espagnoles et italiennes devraient être en première ligne.
"On peut aussi s'attendre à une participation accrue des banques de petite taille, la première opération ayant surtout impliqué les plus importantes", précise M. Jacq. D'autant que ce second acte présente une particularité : les banques pourront apporter en gage une gamme plus large d'actifs ("collatéraux"). De quoi éveiller l'intérêt d'établissements plus fragiles car petits.
Pas un remède miracleQuid de la France ? Plusieurs patrons de banque ont clamé ces derniers jours qu'ils n'avaient pas besoin de l'opération.
"Mais les Français participeront sûrement", fait valoir M. Jacq, qui pronostique
"un effet positif sur les marchés les plus risqués, comme les actions".
Alain Bokobza, responsable de l'allocation mondiale d'actifs à la Société générale, est plus prudent :
"La première opération avait créé une surprise énorme. La seconde, très attendue, n'aura sans doute pas les mêmes effets et moins d'impact global, même si elle répond à de vrais besoins d'amélioration." Car les prêts à trois ans de la BCE ne constituent pas un remède miracle.
"Sur le plan structurel, rien n'a été résolu et le risque est désormais celui d'un optimisme excessif, note M. Pisani-Ferry. Comme souvent, la médecine a accentué certains traits dangereux du système financier européen : on a encouragé des comportements où les banques rachètent de la dette de leur propre Etat. Avec, derrière, le risque d'un cercle vicieux." Autre grief, celui de gonfler encore le bilan de la BCE. La seconde vague de prêts pourrait accroître de 8 % à 16 % un bilan déjà très alourdi ces dernières années, estiment les experts de Morgan Stanley. La crainte d'une inflation générée par ce déversement de liquidités n'est pas non plus absente.
"Il n'y a pas d'inflation en vue tant que le risque de récession ou d'une croissance très faible demeure", tranche toutefois M
me Boone. Reste le risque de l'acharnement thérapeutique.
"Un tel dispositif peut créer des "banques zombies", comme cela s'était produit au Japon, surtout si la zone euro entre en déflation, juge un grand banquier.
Des établissements pourraient continuer à se financer, alors même que leurs fonds propres diminuent. Une situation qui créerait un aléa moral et pèserait sur la concurrence." Mardi, l'optimisme dominait cependant à la veille de l'opération.
"C'est peut-être la dernière occasion pour le secteur bancaire de se refinancer à bon compte : pourquoi s'en priver ?", souligne Jean-François Robin, stratège chez Natixis. Car, sauf scénario catastrophe, il n'est pas prévu d'acte III.