Les mafieux de l’immobilier, intouchables?
Comment le bâtiment permet-il de faire fortune à partir de rien et parfois sans rien bâtir du tout. Énigme et boule de cristal. Il n’y a pourtant rien d’énigmatique, si l’on se donne la peine de décrypter les origines et le processus de formation de ces pactoles aussi faramineux que spontanés.
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Redacteur -
juin 16, 2015
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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Tout commence par des biens immobiliers, bâtiments ou terrains non bâtis dont les propriétaires sont souvent des étrangers français, espagnols, suisses, belges, parfois des juifs marocains et des MRE un peu trop absentéistes. Les uns et les autres, pour une raison quelconque, n’ont pas donné signe de vie, du moins pas souvent. Dans le pire des cas, ils sont morts, sans que leurs héritiers, pourtant existants, n’aient pris le soin de se manifester régulièrement.
En déshérence réelle ou provoquée, ces biens ont généralement acquis une valeur foncière inestimable qui les rend farouchement convoités. Car, il existe des maraudeurs spécialisés dans ce genre de biens immobiliers qui semblent vacants, mais pas sans propriétaires attitrés ou ayants droits légitimes. Ils disposent de tout un dispositif parfaitement rodé pour mettre la main dessus.
Ce sont des sociétés-écrans qui prennent l’affaire en charge en amont. Elles établissent de faux testaments, des procurations et des contrats de vente complètement bidon. Une fois devenus acquéreurs-propriétaires de plein droit fallacieux, les individus qui animent ces sociétés vendent à une tierce personne qui n’est autre que le mentor de toute l’opération. Le tour est joué. La propriété en question change de main. Ses véritables propriétaires ou leurs héritiers sont dépossédés et la justice ne pourra pas les aider.
Vu que des notaires complaisants, des conservateurs étonnamment peu regardants…Tout ce petit monde interlope agit en bande organisée dans un milieu parallèle et totalement glauque. Ils ne sont évidemment pas intéressés par des bâtiments qui menacent ruine, ou qu’ils accusent ainsi, expertises et documents falsifiés à l’appui. C’est la valeur à la vente, une fois démolis et reconstruits, qui les motive. Un rapport de trois fois rien à un paquet de milliards lourd. Fabuleux. Ainsi se font ces fortunes qui semblent jaillir de nulle part.
Ces intouchables sont impliqués aujourd’hui dans pas moins de 15 affaires pénales entre les mains de la justice, certaines sont même soumises au juge d’instruction de la Cour d’appel de Casablanca pour appréciation, en vue d’une probable inculpation.
Le ministre de la justice, Mustapha Ramid, a ainsi été interpellé sur le sujet, lors des questions orales au Parlement. Il a certes assuré que « la justice rétablira les victimes dans leurs bons droits et que toutes les mesures qui s’imposent seront prises à l’encontre de toute personne impliquée dans ces infractions ». Mais il a aussi invité les propriétaires « à prendre contact avec les services de la conservation foncière, une fois tous les quatre ans, afin de vérifier que leurs biens sont toujours en leur possession ».
Un conseil qui ressemble fort à un aveu de faiblesse…
Après l’indépendance et le départ de résidents européens, ce phénomène s’est structuré et aggravé, en prenant la forme d’une toile d’araignée impliquant certains fonctionnaires de l’appareil judiciaire, quelques notaires, des conservateurs fonciers et autres services collatéraux.