BMCE Bank : La
grogne sociale monte discrètement
* Le SNB/CDT dénonce les conditions matérielles du personnel et
la dégradation alarmante et continue des prestations médicales de la
CMIM.
* La Direction générale se refuse à tout commentaire.
Costume, cravate, bien
coiffé, rasage au poil près…., c'est l'image qu'ont toujours renvoyée
les banquiers. Tant est si bien que dans la conscience populaire,
banquier rime inéluctablement avec aisance financière. Et pourtant !
Pourtant, ils sont, comme vous et moi, confrontés aux difficultés de la
vie quotidienne : ils payent l'eau, l'électricité, vont à Derb Ghallef,
s'empêtrent dans des crédits immobiliers et autres crédits à la
consommation (avec des taux avantageux tout de même) et, pour la
plupart, peinent à joindre les deux bouts. Bref, ils sont à l'image de
la majorité des Marocains, quand bien même dans leur paraître rien ne
prête à soupçon.
C'est la raison pour laquelle dès que leurs problèmes sont portés sur la
place publique, cela fait grand bruit. Et l'on se réjouirait presque
(s'il était décent de le faire) de savoir que ceux-là qui vous
courtisent quand votre compte est plein et qui se détournent de vous à
l'aube des premières difficultés peuvent être dans l'expectative et
signifier vigoureusement leur ras-le-bol.
C'est ce qui semble se passer à la BMCE Bank. En cause : «la situation
sociale déplorable», comme le souligne le bureau local du Syndicat
national des banques affilié à la CDT qui dénonce «les conditions
matérielles du personnel», ainsi que «la dégradation alarmante et
continue des prestations médicales de la CMIM».
Sur ce dernier point, les griefs sont pour le moins nombreux. Ils vont
du «débit prémédité» du compte Fonds de Solidarité (alimenté depuis de
longues années par les cotisations du personnel) de la somme de 4,5 MDH
pour combler le déficit généré par «la mauvaise gestion d'une entité
externe, la CMIM», à la périodicité de remboursement des lunettes portée
à
2 ans (contre une année auparavant), en passant par le taux de
remboursement des frais d'hospitalisation à l'étranger ramené de 85 à
50%. Cela, sans oublier «le relèvement des cotisations, avec exclusion
du conjoint du bénéfice des prestations médicales dont il bénéficiait
auparavant, et la réduction du «D» pour le dentaire de 30 à 20 DH».
Parallèlement, le syndicat dénonce actuellement un service de prise en
charge et d'assistance médicale boiteux, les rejets injustifiés de
dossiers médicaux, la baisse des taux de remboursement de frais médicaux
sans raison valable… Pour exiger, entre autres, un audit externe
annuel pour la certification de la gestion et des comptes de la CMIM, la
couverture médicale du personnel à hauteur de 100%, l'abandon total de
l'augmentation des cotisations dont le personnel est l'unique victime,
l'intégration du conjoint dans la couverture médicale sans cotisation
supplémentaire, ainsi que la révision du mode de gouvernance du Fonds de
solidarité dont «la gestion se caractérise par une grande opacité et un
manque de transparence».
C'est dans ce cadre d'ailleurs que le Bureau national du SNB/CDT a
décidé de faire «incessamment» un sit-in devant le siège de la CMIM pour
«attirer l'attention des pouvoirs publics sur les dérapages enregistrés
et la préparation d'une action en Justice contre les contrevenants».
«Miséreuse augmentation»
Au registre des conditions matérielles, les syndicalistes dénoncent le
fait que le personnel des agences, qui ont atteint les objectifs
assignés au titre de l'exercice 2009, ait été indûment privé de la
rémunération variable dont il devait bénéficier. En lieu et place, il
n'a obtenu qu’une «miséreuse augmentation qui reste l'expression la plus
humiliante pour un personnel dévoué, et qui s'est longtemps sacrifié en
toute abnégation».
En conséquence, le SNB exige une amélioration soutenue de leurs
conditions matérielles, à travers notamment la révision à la hausse des
budgets des augmentations annuelles, la promotion automatique du
personnel à la classe supérieure après 4 ans, la revalorisation de la
carrière des femmes et la suppression de la règle discriminatoire de non
augmentation des femmes en cas de congé de maternité. Tout autant, le
syndicat demande la mise en place d'une indemnité de responsabilité
supplémentaire pour les directeurs d'agence assurant la gestion des
agences satellites, le maintien du droit à la retraite anticipée avec
défiscalisation de l'indemnité de départ, ainsi que la revalorisation
systématique des diplômes par le biais d'une promotion interne avec
régularisation immédiate des salaires.
Et la lise ne s'arrête pas là. En effet, en ce qui concerne les crédits,
il est exigé la réduction des taux d'intérêt des crédits à la
consommation à 2% (avec extension de leur durée maximale à 7 ans) et du
taux d'endettement à 50% du salaire, la réduction du taux de crédit
achat voiture à 2%, avec extension de la durée maximale à 10 ans, et de
ramener les taux des crédits immobiliers à 1% TTC jusqu'à 600.000 DH et
2% TTC au-delà.
Enfin, sur le registre scolaire, le SNB milite pour une révision à la
hausse des primes de scolarité qui doivent être portées, selon lui, à
500 DH/enfant de 4 ans révolus en classe maternelle, 1.000 DH pour les
élèves du primaire et 1.500 DH pour ceux du secondaire. En plus d'aides à
la scolarisation pour les études supérieures, à hauteur de 20.000 DH +
billet d'avion (à l'étranger) et de 10.000 DH pour les études effectuées
au Maroc.
Les banquiers sont-ils bien lotis ?
Avec le recul, le détail des revendications du SNB interpelle néanmoins à
plus d'un titre, particulièrement en ce qui concerne les termes
contenus dans la couverture médicale (débit du compte Fonds de
Solidarité, relèvement des cotisations, réduction des taux de
remboursement des frais d'hospitalisation à l'étranger…). Aujourd'hui
dénoncée, ils ont pourtant fait l'objet d'un accord signé par certains
délégués, lesquels sont actuellement sur le box des accusés et
qualifiés «d'opportunistes» visant à atteindre des «objectifs
personnels».
Ces revendications ont, par ailleurs, le mérite de renseigner sur les
nombreux avantages qu'ont effectivement les banquiers : taux de crédit à
faire pâlir d'envie, primes de scolarité, rémunération variable…
Combien de salariés du privé peuvent aujourd'hui se targuer d'avoir de
tels avantages ? Bien peu.
Combien de salariés marocains croulent actuellement sous le poids de
crédits aux taux exorbitants consentis par les banquiers ? Combien
sont-ils tous ceux qui ne bénéficient pas de la couverture médicale et
qui ne sont même pas déclarés à la CNSS ?
C'est dire que, aux yeux de plusieurs salariés du privés qui tirent le
diable par la queue, les revendications du syndicat peuvent paraître
bien paradoxales. Bien qu'elles semblent légitimes. Car, comme on le dit
si bien, lorsqu'on veut avancer dans la vie, lorsqu'on est ambitieux,
il ne faut pas regarder ce que l'on possède, mais être perpétuellement
en quête de ce que l'on n'a pas.
Raison pour laquelle d'ailleurs cette plate-forme revendicative est bien
fournie, avec une démarche (de bonne guerre) connue de tous ceux qui
ont l'habitude d'être le porte-voix des salariés : demander beaucoup,
voire l'impossible, pour avoir le maximum.
A leur décharge, on dira cependant que «la meilleure façon de gagner de
l'argent est d'en faire gagner aux autres». Pour dire que tout salarié,
dès lors qu'il participe à la création de richesses dans l'entreprise,
mérite d'être rémunéré, voire récompensé à sa juste valeur. Parce que
ce sont ces hommes et femmes qui consacrent le plus souvent les 3/4 de
leur temps à leur entreprise qui en font sa force. Ce que,
malheureusement, oublient beaucoup de patrons.
En tout cas, contactée par nos soins, la Direction générale de BMCE Bank
se refuse à tout commentaire…
A noter que, selon les sources syndicales, des négociations auraient été
ouvertes. Affaire à suivre donc.
D. W.