Bonjour tt le monde
Myret Zaki sort un nouveau livre choc: «Le dollar va mourir»
La journaliste économique - qui, en 2008, nous a révélé les dessous
de la débâcle d'UBS - s'en prend, dans un ouvrage à paraître demain, à
la monnaie qui gouverne la planète. Elle démontre, pas à pas, «comment
le billet vert est devenu la plus grande bulle spéculative de
l'histoire». Et pourquoi sa fin est programmée.
Myret Zaki est, en très peu de temps, devenue l'écrivain économique le
plus lu, le plus recherché en Suisse romande. La rédactrice en chef
adjoint du magazine Bilan nous reçoit dans les locaux du magazine à
Genève. Elle est toujours lumineuse, généreuse, brillante. Et pourtant.
Ce petit bout de femme de 38 ans, originaire d'Egypte, est sans doute
l'une des personnalités les plus craintes, actuellement, des milieux
financiers helvétiques. La preuve.
Elle publie demain, aux Editions Favre*, un troisième livre à la thèse
implacable: «La fin du dollar». Sa démonstration? «Ce n'est pas l'euro
qui va mourir. C'est le dollar.» Silence... Comme elle le raconte
elle-même, ce constat a laissé et laisse toujours ses interlocuteurs
totalement cois. «Y compris, et peut-être avant tout, les banquiers
genevois que j'ai rencontrés et qui sont tellement liés à la première
puissance économique mondiale.»
La journaliste - qui a toujours su faire ces nécessaires pas de côté
pour s'extraire de l'idéologie dominante et analyser «les faits» - a dû,
pour cette stupéfiante enquête, affronter tous les sceptiques: «Lorsque
j'annonçais à mes différents interlocuteurs que j'écrivais un livre sur
la fin du dollar américain, raconte-t-elle, tous m'ont répondu: «Mais
non, c'est plutôt l'euro qui a des problèmes. C'est sur la mort de
l'euro que vous devriez écrire!»
Le risque grec ? Une broutille !
Myret Zaki a ainsi commencé ses investigations sur le billet vert (et
sur les dérives du système financier américain) en plein coeur du
naufrage grec. Son livre va sortir demain, au plus fort de la nouvelle
crise portugaise qui s'apprête à demander quelque 80 milliards d'euros
d'aide à l'Union européenne. Changer d'avis, donc? «Jamais!» Et la
spécialiste, brutalement, nous propulse dans le monde de la réalité, et
non plus dans celui de Oui-Oui.
La situation budgétaire des Etats-Unis? «Ils sont bien plus endettés que
l'Europe.» Les pays européens qui, les uns après les autres, menacent
de faire défaut? Vous voulez rire! «Bien sûr qu'une faillite de la Grèce
serait grave en soi, surtout pour ses habitants. Mais la Grèce ne pèse
même pas 2% de la zone euro. Voulez-vous connaître un vrai danger dont
personne ne parle? La faillite de l'Etat de Californie, 7e puissance
économique mondiale et qui affiche un taux d'endettement de 90% de son
PIB.»
Risquons une dernière contre-offensive: «Mais les Etats-Unis ne pourront
jamais faire faillite. Ils sont non seulement la première puissance
économique et militaire mondiale, mais détiennent la monnaie qui règle
80% des transactions internationales. Ils peuvent faire ce qu'ils
veulent, non?»
Eh bien non! Cette ère est terminée, selon l'auteure. La Chine, la
Russie, l'Amérique latine et même, depuis peu, depuis le Printemps
arabe, les pays producteurs de pétrole ne veulent plus tout payer en
dollars. «Savez-vous que la Russie et la Chine, dans leurs échanges
commerciaux, ne recourent plus du tout au billet vert, mais se paient
respectivement en rouble et en remimbi?»
Nous voilà en centre de la démonstration de la «Fin du dollar». Point
d'idéologie antiaméricaine ou de théorie du complot: les anciens
«alliés» monétaires de Washington - Pékin en tête - prennent de plus en
plus leurs distances face au billet vert, «parce que tous savent que le
dollar est devenu la plus grande bulle spéculative de l'histoire»,
affirme Myret Zaki.
La preuve? Depuis 1913, le dollar, qui n'est plus adossé à aucune valeur
tangible, tel l'or, a perdu 97% de sa valeur. A chaque bulle
spéculative - la dernière sur les subprimes ayant par exemple détruit
quelque 15 000 milliards de dollars en sauvetage bancaire -, la Réserve
fédérale trouve la même martingale: imprimer, imprimer encore et
toujours du papier. Les Etats-Unis ne produisent pratiquement plus rien;
même des grandes entreprises comme Google, Microsoft ou Facebook ne
pèsent que pour 6% dans la création de valeur outre-Atlantique. Les
Etats-Unis, au contraire, vivent à crédit: «Le pays a besoin de 6
dollars de dette pour produire 1 dollar de richesse. Trouvez-vous
réellement que nous sommes là face à une économie saine?»
Les données - entièrement circonstanciées qu'avance Myret Zaki - font en
effet trembler. La dette publique de l'Etat fédéral? On frise à ce jour
les 14 000 milliards de dollars, soit plus de 100% du produit intérieur
brut (contre 93% pour l'ensemble de la zone euro). On y rajoute
l'endettement des ménages, ainsi que celui des entreprises, et nous
voici à 360% du PIB, soit une dette de quelque 50 000 milliards de
dollars. «Et cela ne comptabilise toujours pas les engagements futurs
que les collectivités publiques américaines ont à l'encontre de leurs
retraités ou du système de santé»...
Avec la journaliste, c'est toujours comme cela. Vous vous croyez déjà
dans le mur? Détrompez-vous: tout compris, les Etats-Unis affichent
aujourd'hui un «trou» de 200 000 milliards de dollars, «un chiffre,
reconnaît-elle elle-même, qui ne veut plus rien dire, mais qui fait
courir à la planète un risque systémique comme l'histoire humaine n'en a
jamais connu.»
La Chine change la donne
Pire, ajoute Myret Zaki. Washington et son billet vert n'ont jamais aimé
l'euro qui, soudain, a surgi en 1999 et qui se présenta, dans sa force
et face à l'ampleur de son marché de 360 millions de consommateurs,
comme un concurrent à abattre. L'euro est aujourd'hui une devise dans
laquelle le Venezuela ou le Koweït facturent leurs livraisons de
pétrole. L'euro est, en outre, une devise que privilégient la Chine, le
Japon ou la Russie dans leurs trésors de guerre. Au détriment croissant
du dollar. Une alliance «objective» s'est dès lors constituée entre le
pouvoir politique américain et les gros hedge funds anglo-saxons, «qui,
pour s'enrichir rapidement et massivement, se sont mis à spéculer sur la
faillite de la Grèce, puis contre l'Irlande ou, aujourd'hui, contre le
Portugal».
Ce qui, par contre, a changé face à cette domination sans partage, c'est
que de plus en plus d'Etats forts, dans ce nouveau monde multipolaire,
se détournent du dollar qui ne vaut plus rien, y compris les vieux amis
(Arabie saoudite en tête) qui vendent aujourd'hui davantage de pétrole à
la Chine qu'aux Etats-Unis. Les maîtres du monde changent. Et le monde
s'y adapte... La fin du dollar roi, alors, c'est pour quand? «2014,
répond Myret Zaki: l'ère du dollar prendra fin brutalement, ou
graduellement.» Mais elle est programmée.