De qui se moque Ahmed El Midaoui ? La cour des comptes a rendu public son rapport pour l’année 2010. Le
fruit de la récolte est décevant dans une conjoncture marquée par des
attentes politiques énormes et une forte demande sur le renforcement du
contrôle de l’Etat. Le public et les observateurs s’attendaient (et
s’attendent toujours)
à des analyses en profondeur et à des résultats
probant, à impact certain. Ce que le Marocain réclame,
c’est la rupture.
Or, le rapport de la Cour des Comptes nous offre
« un spectacle de
rats » au moment où il devait traquer « du gros gibier ». Franchement,
dénoncer la distribution de billets d’avions gratuits aux anciens de la
RAM est une bonne chose, mais est-ce cela ce que nous attendions de
cette Cour dont la mission est investie d’un pouvoir constitutionnel ?
Tout laisse à croire qu’El Midaoui est
impliqué dans un jeu
politique pas vraiment clair. La Cour qu’il gère s’oriente vers le
«
contrôle symbolique ». Ce dernier met le doigt sur
des erreurs de
gestion, que les établissements et entreprises publics contrôlés
devraient éviter à l’avenir pour réaliser des économies
substantielles.
Certes, est-ce suffisant pour installer la confiance dans le système
de gouvernance et mettre la gestion de la chose publique sur les rails
du développement et la transparence ? Pas si sûr.
Déjà, dans son dernier rapport, la Cour des Comptes s’est essayée à
une analyse de l’opportunité de certains investissements et choix
stratégiques. Les passages sur le développement de la flotte et
l’ouverture de certaines lignes aériennes de la RAM auraient pu avoir
l’impact souhaité
si les rédacteurs du rapport avaient appelé les
choses par leur nom.Qui est l’autorité habilitée à prendre ce genre de décision
concernant l’achat d’un type d’appareil ou de décréter l’ouverture
d’une ligne africaine sans étude préalable? Surtout pas le PDG de la
compagnie. Ce dernier a une force de proposition pour les questions
stratégiques que les autorités de tutelle acceptent ou refusent. Et si,
par malheur, l
es options du management se révèlent désastreuses, il
doit être, en principe, mis à la porte.
Le contribuable marocain a besoin d’une
Cour percutante, courageuse
et investie dans la lutte contre la dilapidation et la destruction
sauvage des ressources de la patrie. Le Marocain souhaite voir sa Cour
des Comptes, cette Cour
qu’il finance de sa poche, mettre sous le
microscope
la gestion des terrains du domaine. La Cour nous révèlera
alors les dérives d’un passé peu honorable et imposera, de facto, une
certaine rigueur et surtout, la crainte de
reproduire un modèle
destructeur de valeur ajoutée.
Le contribuable veut savoir ce que l
es organismes de placement font
de son argent. Pourquoi, « l’Etat de droit » où nous vivons n’a jamais
levé le voile sur
l’opportunité des investissements de la Caisse de
Dépôt et de Gestion ? Pourquoi la Cour des Comptes n’a pas cherché
la
corrélation, existante ou supposée, entre les placements boursiers (ou
autre) des institutionnels publics et ceux des institutionnels privés
de la place ?« L’Etat de droit », dont nous sommes si fier, n’a jamais dénié
pousser sa Cour des Comptes à contrôler
les concessions des terrains
agricoles de la Sodéa/Sogeta. Pourtant ce programme a été vendu comme
reposant sur des cahiers de charges et des engagements de résultats.
Une énième tranche de concession des terrains de la défunte
Sodéa/Sogeta est en gestation alors que le contribuable ignore toujours
ce que sont devenues les premières tranches.
Le changement démocratique et la bonne gouvernance
ne se nourrissent
pas de feintes politiques. Au contraire,
ils en pâtissent. Le
Parlement, le gouvernement et le pouvoir judiciaire ont fait les frais
de
cette politique de façade. Les trois tentent actuellement de trouver
la place qui leur revient dans un « Etat en quête de droit ».
La Cour des Comptes garde intact son capital crédibilité. Il suffit
de peu pour le perdre. Il faut du courage pour le garder. Le Maroc doit
faire un choix stratégique, pas jouer le malin dans une conjoncture
fortement politisée et où les attentes dépassent, et de loin, la
volonté politique supposée engagée dans le changement.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]