Ce qu'il faut retenir de la lettre aux actionnaires 2012 de Warren Buffettpar L.C. le 2 mars 2013
Warren Buffett a publié aujourd'hui sa désormais traditionnelle lettre aux actionnaires de Berkshire Hathaway. Cette lettre, où chaque mot est étudié en vue d'obtenir des indices au sujet des futures décisions de l'Oracle d'Omaha, est en réalité lue par tout Wall Street, relayée avec soin par les médias, et en particulier par Bloomberg par l'intermédiaire de Betty Liu qui a l'habitude d’interviewer Buffett père et fils. La lettre 2012 est revenue sur les temps forts du dernier exercice, sur les quelques regrets de Warren Buffett, les performances de ses différentes entreprises et investissements, tout en prodiguant quelques conseils et explications à propos de sujets qui sont sur toutes les bouches quand il s'agit de Berkshire: stratégie d'investissement, cash, dividende... MarginCall vous propose une synthèse des principaux éléments de cette lettre et des citations qui retiendront l'attention des médias, à commencer par ceci:
"So it’s back to work; Charlie and I have again donned our safari outfits and resumed our search for elephants".
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Warren Buffett guette sa future proie
Investissements:Warren Buffett annonce clairement la couleur, après sa petite phrase 2011 où il indiquait qu'il était prêt à débourser de larges sommes pour procéder à des acquisitions, il réitère sa volonté de frapper fort, même après l'acquisition de Heinz (HNZ) en ce début d'année à hauteur de 50% aux côtés de Jorge Paulo, le milliardaire brésilien. Berkshire a en effet dépensé 12 milliards $ pour cette acquisition, soit la moitié des gains de l'année 2012. Ne pas être parvenu à procéder à une acquisition de taille en 2012 a cependant été vécu comme une véritable déception par l'Oracle. Il s'est cependant félicité des investissements plus modestes réalisés par ses managers, un total de 26 entreprises ont ainsi été acquises puis intégrées aux activités existantes de Berkshire pour un montant total de 2.3 milliards de dollars. La bonne performance des nouveaux protégés, Todd Combs et Ted Weschler, qui gèrent des portefeuilles d'investissement pour Berkshire, a été soulignée. Ayant battu le S&P500 et Buffett de son propre aveu par plus de 10%, la somme qui leur est allouée a été augmentée à 5 milliards $ chacun. rien de bien nouveau sous le soleil en ce qui concerne les placements de Berkshire: Amex, Coca Cola, IBM, Wells Fargo continuent de bien performer.
"Todd and Ted are young and will be around to manage Berkshire’s massive portfolio long after Charlie and I have left the scene. You can rest easy when they take over".
DividendesLe sujet du paiement d'un dividende chez Berkshire revient sans cesse sur la table. Là où il y a du cash, il y a du dividende, mais pas chez Berkshire. Buffett s'est toujours opposé au versement de dividende aux actionnaires, et s'en tient à sa position. Il précise que la priorité chez Berkshire est de réinvestir son cash dans ses entreprises (à noter un montant record de 12.1 milliards de CapEx en 2012), avant de se tourner vers des acquisitions sans rapport avec les activités principales du groupe, à l'image de Burlington Northern Sante Fe (BNSF) ou vers des rachats d'action ou des dividendes. Le principal argument de Buffett à l'encontre des dividendes est qu'il est préférable de réaliser des acquisitions et de faire croître l'activité du groupe. A terme, les actionnaires ne peuvent qu'en profiter. Et ce point de vue ne semble pas prêt de changer à court terme.
"We like increased dividends, and we love repurchases at appropriate prices."
DérivésLa lettre indique que le portefeuille de produits dérivés continue d'être réduit. D'ici l'année prochaine, des dérivés qui garantissent des crédits corporate, généralement "high-yield" (et donc plus risqué que n'importe quel corporate bond), vont expirer et devraient rapporter 1 milliard de dollars, en sus des profits déjà enregistrés. Les ventes de puts sur indices US, anglais, européens et japonais initiées entre 2004 et 2008 sont toujours en portefeuille à 90%. Ces contrats ont une échéance comprise entre 2018 et 2026 et ne peuvent être exercés avant. European style. Les ajouts à ce portefeuille de produits dérivés (ce qui nécessiterait davantage de collatéral) ne seront considérés qu'à titre d'exception. Du moins selon cette lettre.
"Markets can behave in extraordinary ways, and we have no interest in exposing Berkshire to some out-of-the-blue event in the financial world that might require our posting mountains of cash on a moment’s notice".
JournauxNombreux sont ceux qui ont remarqué avec étonnement la frénésie d'achats de journaux par Buffett malgré la déprime du secteur et l'inévitabilité du déclin admis par l'Oracle lui-même. Près de 28 quotidiens en 15 mois pour 344 millions de dollars. Il justifie une nouvelle fois cela par "l'absence de réelle alternative en ce qui concerne les informations locales" et identifie de la valeur là où les journaux savent mener une stratégie viable sur Internet tout en proposant une information riche et régulière. Passer d'un quotidien à un hebdomadaire condamnerait selon Buffett la pertinence du journal, à terme (coucou La Tribune).
"At appropriate prices – and that means at a very low multiple of current earnings – we will purchase more papers of the type we like".
Leçon aux PDG d'Amérique A ceux qui s'attardent sur les incertitudes économiques quand des signaux inquiétants sont identifiés et à ceux qui ont une confiance aveugle quand tout va pour le mieux: vous avez tort ! C'est en substance ce que Warren Buffett dit aux PDG qui n'ont pas assez confiance en l'avenir sous prétexte qu'il y a des incertitudes à court terme. Warren Buffett explique que les USA ont toujours connu des aléas économiques et que cela ne changera jamais. Essayer de moduler son exposition selon les prévisions (ou prédictions) des experts est un véritable non-sens pour Charlie Munger et lui, car le "jeu" est de toute manière favorable aux investisseurs à long terme . Vision caractéristique d'un baby boomer de talent j'imagine justifiée par l'avance de 17 320 % du DJIA au cours du XXème siècle malgré les guerres et les récessions.
"The risks of being out of the game are huge compared to the risks of being in it. If you are a CEO who has some large, profitable project you are shelving because of short-term worries, call Berkshire. Let us unburden you."
Quelle sera donc la future proie de taille de Berkshire Hathaway? En tout état de cause, la stratégie de l'Oracle continue de fonctionner. Berkshire Hathaway a atteint hier un record historique à 153 739 $ (BRK.A). A l'année prochaine Monsieur Buffett.