Etudes & recherches : La place casablancaise crée de la valeur pour ses actionnaires
Auteur : MD
La place de Casablanca est-elle créatrice de valeur pour ses actionnaires ? A cette question, les analystes financiers d’Attijari Intermédiation ont apporté une réponse dans leur dernière «Lettre stratégique» du mois de février 2009, intitulée «La place de Casablanca, un marché créateur de valeur».
D’emblée, et pour mieux se coller à l’actualité, les analystes soulignent qu’il n’y a pas de comparaisons à faire entre la crise qu’avait connu la place casablancaise en 1998, qui «était fondée sur des éléments microéconomique et macroéconomiques indéniables», et la morosité actuelle du marché boursier. En effet, après la première crise, d’importantes restructurations et assainissement des structures bilancielles des entreprises cotées ont été entreprises et les réformes structurelles mises en place par l’Etat ont permis de consolider les fondamentaux de l’économie nationale.
Pour mesurer la création de valeur de la place, les analystes analysent la capacité des entreprises cotées à réaliser des profits à partir des fonds des actionnaires. Cette rentabilité financière, appelée aussi RoE (Return of Equity), ne dépassait guère les 15 % avec une tendance baissière causée par un essoufflement de la croissance bénéficiaire durant la période 1996-2002, atteignant un plus bas historique en 2002 à 8,4 %. Toutefois, «depuis 2005, grâce à des conditions économiques nationales en nette amélioration, la rentabilité financière des sociétés cotées marocaines s’est fortement consolidée atteignant 26,6 % en 2008e», expliquent les rédacteurs de la note de recherche. Seulement, sur ce point, une nuance est à apporter. Durant cette seconde période, le marché casablancais a connu un changement fondamental au niveau de son périmètre suite à l’introduction en Bourse de Maroc Télécom. Cette dernière, en raison de sa rentabilité financière très élevée et de son poids dans la capitalisation boursière de la place, a été le principal contributeur de la croissance bénéficiaire du marché. La rentabilité financière de l’opérateur devrait s’établir à 52,1 % en 2008e, contre 47,8 % en 2007 et 38,7 0 % en 2006. Outre la hausse des bénéfices de Maroc Telecom de l’ordre de 17,4 % sur la période 2005-2008e, cette forte croissance du RoE «est liée à une amélioration des performances opérationnelles du groupe, dopée par la réduction de capital de 3,5 milliards de dirhams opérée en 2006», explique les analystes. Loin derrière les télécoms, les secteurs agroalimentaire, les cimentiers et les banques affichent des RoE respectifs de 24,8 %, 24,0 % et 16,6 %. La croissance bénéficiaire élevé du marché d’en moyenne 19 % entre 2005 et 2008e n’explique pas à elle l’amélioration de la rentabilité financière. Celle-ci résultat aussi di fait que les capitaux propres ont enregistré une progression beaucoup moindre évaluée à 13,8 % sur la même période. La faible progression relative des fonds propres s’explique essentiellement par le niveau du taux de distribution de dividende avec un payout moyen du marché sur la période 2005-2008e qui ressort à 76 %. , affichant une progression de 7,2 % en moyenne annuelle sur la période. Maroc Telecom affiche un payout moyen de 116,9 %, les secteurs matériaux de construction et agroalimentaire ont versé en moyenne respectivement 92,4 % et 89,4 % de leur résultat sur la période.
Rentabilité meilleure que celle de la zone MENA
Partant, tous ces facteurs font que la rentabilité financière de la place casablancaise s’affiche parmi les meilleures de la zone Mena avec un RoE de 27 % en 2007, contre une moyenne de 25 % pour la zone. Et en terme de croissance bénéficiaire, la place marocaine réalise une progression de 34 %, la meilleure de la région, contre une moyenne de 20 % pour la zone MENA, et ce grâce à un contexte économique favorable.
Reste que pour les analystes financier d’Attijari Intermédia-tion, la question qui se pose est celle de savoir si cette forte croissance de la rentabilité est soutenable à long terme ? Par ailleurs, si le RoE demeure un indicateur stratégique pour les actionnaires, «il est privilégié lors des analyses à court terme puisqu’il ne permet pas de donner une lecture suffisante de la performance opérationnelle de l’entreprise», avancent les analystes. Quant au taux de distribution élevé, ils se demandent s’il n’est pas le signe d’«une perte ou un manque d’opportunités d’investissement pour les sociétés, pouvant se traduire par un essoufflement de leur croissance à long terme ?».
Du coup, pour une analyse plus fine de la création de valeur du marché, une attention particulière devrait être accordée aux performances opérationnelles des sociétés cotées. Plus concrètement, il s’agit de décortiquer le résultat bénéficiaire du marché et d’y extirper l’effet du résultat non courant dans sa composition. Il ressort de cette démarche que la part du résultat non courant dans le résultat net du marché ne dépasse pas 7 % depuis 2005 et que le résultat d’exploitation demeure le principal contributeur à la formation du bénéfice du marché représentant en moyenne 97 % de sa composition depuis 2005. Et l’amélioration du résultat d’exploitation qui progresse de 19 % par an durant la période 2005-2008e, grâce à l’appréciation de la marge opérationnelle qui passe de 18 % à 21,2 % durant la période, a eu pour conséquence une amélioration significative du ratio de la rentabilité économique (rapport entre le résultat d’exploitation après impôt et l’actif économique -ROCE). Cet indicateur est très important, en ce sens qu’il permet d’indiquer l’efficacité des gestionnaires de l’entreprise dans l’utilisation de leurs ressources. Le ROCE (return on capital employed) du marché a atteint 22,6 % en 2007 et devrait s’établir à 22,1 % en 2008e. Si le ROCE du marché connaît un certain tassement au cours de ces dernières années, les analystes l’expliquent essentiellement par le recours plus important au financement par endettement des sociétés cotées, poussées à investir dans un marché de plus en plus concurrentiel tout en bénéficiant des taux d’intérêt favorables. Ainsi, les dettes financières long terme au niveau des bilans des sociétés cotées sont passées de 7 311 MDH en 2005 à 14 9838 MDH en 2007, affichant une progression de 65,2 %. Cet endettement est essentiellement le fait de la Samir (3 700 MDH) qui a levé d’importants montant sur le marché pour financer sa nouvelle raffinerie, des holdings dont l’ONA qui a eu recours à un financement long terme de 1 600 MDH pour financer le développement de sa filiale télécoms Wana et Addoha qui voit ses dettes croître de 1 600 MDH suite à l’acquisition de terrains et de prise de participation à hauteur de 50 % dans Fadesa Maroc. Autrement dit, le ralentissement de la progression du ROCE n’est pas lié à l’évolution des résultats d’exploitation du marché, mais à l’endettement des entreprises cotées.
L’effet du levier financier
Résultat, «le niveau de RoE atteint par les sociétés cotées marocaines sur les deux dernières années repose essentiellement sur l’amélioration de leurs performances opérationnelles mais également sur un effet de levier significatif qui résulte de l’action de deux facteurs : l’écart entre ROCE et le taux d’intérêt du marché et le l’évolution de l’endettement». Conséquence de ce recours croissant à l’endettement moyen et long terme, la structure financière des sociétés cotées tend à s’optimiser à travers une augmentation de la proportion des dettes dans les sources de financement, passant de 4 % en 2005 à 20 % à fin 2007. Et selon les estimations, des analystes, l’endettement devrait représenter 24 % de la structure financière du marché en 2008e. C’est dire que le levier financier prend une part grandissante dans l’amélioration de la rentabilité financière de la place. Ceci étant, les rédacteurs de la note de recherche pensent que «les différents projets lancés qui sont en grande partie financés par la dette, devraient porter leurs fruits à moyen terme et concourir de ce fait à l’amélioration de la rentabilité du marché». Partant, étant donnée que les investissements en question ont été entamés dès 2007, leur impact sur la rentabilité financière du marché devrait se faire sentir à partir de 2009 avec une RoE de 28,8 % en 2009e.
In fine, la rentabilité financière rapportée au coût du capital investi (RoE/KCP) permet de mesurer la capacité du marché a créé de la valeur dès lors que ce ratio est supérieur à 1. En calculant la rentabilité financière de la place sur la base de la valeur marchée des capitaux propres (capitalisation boursière), «on constate, à partir de 2009, une évolution positive de la création de valeur qui passe alors au dessus de 1. Avec un RoE/KCP à 1,05, le marché actions marocain est créateur de valeur puisqu’il rémunère les nouveaux actionnaires en moyenne 5 % de plus que ce qu’ils exigent».
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