La croissance hors agricole nulle au premier trimestre
Toutes les activités productives sont en baisse sur le premier trimestre.
Les services ont progressé mais à un rythme moins élevé qu’en 2008.
Même le BTP a accusé une baisse de -0,2%.
Le PIB hors agriculture devrait croître de +2,3% en 2009, contre une moyenne de 5% entre 2000 et 2008.
On n’y a pas suffisamment prêté attention : l’activité économique
globale au premier trimestre a certes crû de 3,7%, mais, outre que
cette croissance est inférieure à celle réalisée au trimestre
correspondant de 2008 (7,2%), elle est surtout tirée principalement par
le secteur agricole. On pourrait même dire quasi exclusivement : alors
que la valeur ajoutée agricole a augmenté de 26,8%, contre 16% une
année auparavant, celle des activités non agricoles, en revanche, n’a
crû que de 0,6%. L’année dernière à la même période, le taux de
croissance affichait +6,2% par rapport au premier trimestre 2007. Le
ralentissement, on le voit, est sévère, et c’est à peine exagéré de
parler, à ce niveau, de croissance nulle.
Et pour prendre la mesure de ce constat, il suffit de jeter un coup
d’œil sur les comptes nationaux du premier trimestre récemment publiés
par le Haut commissariat au plan (HCP) : toutes les activités de
production ont enregistré des croissances négatives ; seuls les
services ont réalisé une valeur ajoutée positive (+ 3,2%) mais tout de
même en retrait par rapport au niveau de l’année dernière (+ 5,7%).
Ainsi, les activités minières et énergétiques sont en baisse
de 16% contre une hausse de 8,1% en 2008. Dans cette branche, ce sont
les activités d’extraction (les mines) qui ont tiré vers le bas la
valeur ajoutée (- 46,6% contre + 7,1% l’année dernière). En revanche,
l’électricité et l’eau ont augmenté de 6,1% contre 8,8% au trimestre de
l’année 2008.
Les industries de transformation, quant à elles, ont baissé de 1%
contre une hausse de 5,3% et même le BTP, qui affiche depuis longtemps
une santé de fer, n’a pas été épargné, accusant une baisse de -0,2%,
après une hausse de 11,9% un an auparavant. La pêche, elle aussi, a vu
sa valeur ajoutée régresser assez sévèrement (-8,8%).
Les déficits extérieurs s’amplifient
S’agissant des services, ils ont certes augmenté, mais cette
augmentation est tirée davantage par les services non marchands que par
les services marchands, lesquels ont enregistré des croissances faibles
comparativement à l’année dernière. Il en est ainsi du commerce (+0,7%
contre +6,9%), des services rendus aux entreprises et services
personnels (+2,3% contre +3,5%), de la poste et télécommunications (+2%
contre +10%), du transport (+0,3% contre +4,6 %) et des activités
financières (+3,3% contre +5%). Les hôtels et restaurants, eux, ont
carrément enregistré une croissance négative (-7,8% contre +0,7%).
Les services non marchands, en revanche, ont tous vu le rythme de
croissance de leur valeur ajoutée s’accélérer par rapport au 1er
trimestre 2008 : +6% au lieu de +3,1% pour les services rendus par
l’administration et la sécurité sociale, et +8,8% au lieu de +8,5% pour
les services de l’éducation, de la santé et de l’action sociale.
Au vu de ces évolutions et nonobstant le comportement du secteur
agricole, le premier trimestre de 2009 est un trimestre perdu. Il
constitue la deuxième séquence dans les impacts de la crise économique
internationale. Car, lors de la première séquence, en 2008 globalement,
les retombées de la crise se sont manifestées seulement au niveau du
déficit du compte courant de la balance des paiements, qui s’est certes
accentué. Mais la production sectorielle et, partant, la croissance
globale n’ont pas été affectées ; l’année 2008 s’étant en effet achevée
sur une progression du PIB de 5,6% en dépit d’une valeur ajoutée
agricole tout juste moyenne (+ 16,6% mais venant après - 20% en 2007).
En revanche, dans cette deuxième séquence des manifestations de la
crise, non seulement les déficits extérieurs s’amplifient (le compte
courant sur le premier trimestre de 2009 a été déficitaire de 9,3
milliards de DH, contre un déficit de 6,8 milliards à la même période
de 2008) mais en plus la sphère productive a été affectée, comme on
vient de le voir.
La demande intérieure permettra à l’économie de sortir du marasme
Qu’en sera-t-il du deuxième trimestre ? Dans la mesure où la valeur
ajoutée du secteur agricole est maintenant connue, les seuls
changements à attendre, s’il devait s’en produire, concerneraient les
autres activités économiques. Mais à en juger par les exportations à
fin mai (voir La Vie éco du 3 juillet), la situation ne semble pas
s’être améliorée. Surtout, cette seconde moitié de 2009 serait marquée
par la contamination du domaine social par les retombées de la crise,
selon les anticipations du HCP. Non seulement la production de
certaines activités continuerait de baisser, mais en plus cela devrait
entraîner une remontée du chômage, qui passerait de 9,6% en 2008 à
10,2% en 2009.
Sur l’ensemble de 2009, toutefois, l’économie marocaine devrait
bénéficier du début d’une sortie de crise qui commencerait à se
manifester sur les derniers mois de l’exercice. Surtout, elle serait
soutenue par une demande intérieure qui, malgré son ralentissement,
croîtrait de 5,9% au lieu de 10% en 2008.
Mais si, compte tenu de la bonne récolte, le PIB augmenterait de
5,3%, contre 5,6% en 2008, les activités hors agriculture
enregistreraient, malgré tout, leur plus bas niveau de croissance
depuis une décennie, selon le HCP : 2,3% au lieu de 5% en moyenne
annuelle.
Incontestablement, c’est cet indicateur qui mérite le plus d’attention,
car sa détérioration signe une rupture (provisoire ?) dans le profil de
la croissance marocaine longtemps marquée par une bonne tenue des
activités hors agriculture. On a beau dire que le Maroc est à l’abri
des secousses qui affectent l’économie mondiale (et c’est sans doute
vrai pour le marché financier en son état actuel), la réalité est là
pour dire le contraire. Quand le commerce international baisse comme
c’est le cas cette année
(- 11%), la demande adressée à l’économie marocaine chute (- 7% selon
les estimations) et l’activité des entreprises ralentit. De même, en
pareille situation, les investissements étrangers reculent (- 30,7% à
11,4 milliards de DH à fin mai, mais heureusement compensés par la
hausse des investissements publics), les envois des MRE aussi (- 13,8%
à 18,2 milliards de DH). Ne parlons pas du tourisme, secteur important
de l’économie et dont l’activité, comme on l’a déjà vu, a baissé de
près de 8 %. Et c’est l’évidence même que lorsque les envois des MRE et
le tourisme se portent mal, les revenus sont affectés et la
consommation itou. Ainsi, selon les données du HCP, la consommation par
tête d’habitant, après avoir progressé de 8,2 % en 2008, ne
s’accroîtrait que de 4 % en 2009 et de 1,2 % en 2010. Encore heureux
que la campagne agricole soit bonne, car elle permet aux ménages ruraux
notamment d’améliorer leurs revenus.
L’autre conséquence de la baisse des transferts des MRE et des
recettes de voyages, c’est évidemment la détérioration du compte des
transactions courantes, financées pour l’essentiel par ces deux
sources, et, partant, de la balance des paiements (voir encadré). En
pareille situation, se pose évidemment le problème du financement de
l’économie et, en creux, le problème de l’endettement. Il faut
seulement espérer que l’économie mondiale se redresse plutôt que
prévu...
Focus :Le déficit courant à 6,4 % du PIB en 2010
Le compte des transactions courantes, longtemps excédentaire, sous
l’effet de la hausse des transferts courants (principalement des
transferts des MRE) et des services, a enregistré en 2007 son premier
déficit depuis l’année 2000, à - 571 MDH (- 0,1% du PIB), sans
toutefois que la balance des paiements en soit affectée puisque
celle-ci avait réalisé un excédent de 16,9 milliards de DH. Mais cet
excédent était en recul par rapport à 2006 (+ 23,6 milliards).
Avec la crise qui est apparue et la baisse des envois des MRE, première
source de financement de la balance des paiements, mais aussi des
recettes de voyages, le compte courant est entré en déficit assez
prononcé en 2008 (- 37,4 milliards de DH), entraînant un déficit tout
aussi prononcé de la balance des paiements (- 11,4 milliards).
Si le déficit du compte courant a représenté 5,4 % du PIB en 2008, il
devrait passer à 5,7 % en 2009 et grimper à 6,4 % en 2010, selon les
prévisions du HCP.
Sur le premier trimestre, le déficit est de 9,3 milliards contre 6,8
milliards à la même période de 2008.
Auteur :Salah Agueniou
Date de publication : 13/07/2009
La Vie Eco