"La reprise en 2010 est un rêve" A contre-courant de l'euphorie qui règne actuellement sur les marchés actions, le trader et gérant marocain Mostapha Belkhayate
est prudent pour les mois qui viennent, anticipant une correction
d'ampleur avant une reprise progressive des indices jusqu'en 2012. Le
lauréat 2009 du trophée d'or du Salon de l'analyse technique de Paris revient sur les principaux arbitrages à effectuer. Capital.fr : Les marchés américains ont regagné près de 50% depuis
leurs planchers de mars, débordant ainsi d'importants seuils de
résistance. Le rebond va-t-il se poursuivre ? Pensez-vous que
l'objectif que vous avez mentionné en mars
sur le Dow Jones, 10.556 points, puisse être rallié plus rapidement que
prévu ? La reprise en 2010 prédite par les économistes est-elle un rêve
ou une réalité ?Mostapha Belkhayate : C’est un rêve. La reprise que tout le
monde attend n’arrivera pas avant 2015. D’ici là, apprenons à vivre
sans. Il est temps de changer de métier, de pays, et d'abandonner ses
espoirs. Grand temps de s’adapter à ce que personne ne peut changer :
le cours naturel de l’Histoire. A la veille du Salon de l’Analyse
Technique de Paris, nous avions publié le 20 mars 2009 un article sur
votre site, « Je redeviens positif sur les marchés ». Certains de mes
abonnés furent surpris par ce revirement d'opinion alors que depuis
trois ans j’étais fortement baissier, après avoir prédit dès avril 2007 le tsunami financier.
J’avais changé mon fusil d'épaule parce que j’avais lu dans mes
graphiques la fin de la baisse et une correction haussière qui allait
s’étendre jusqu’au 4 septembre 2009.
Voici le graphique que j’avais montré à ma conférence : Lorsque j’avais annoncé un retour très probable de la hausse en ligne
droite jusqu’en septembre 2009, certains de mes collègues analystes
techniques avaient carrément réfuté cette hypothèse. Aujourd’hui, force
est de constater que le marché a bel et bien suivi au centimètre près
cette ligne droite, corrigeant avec aplomb la vertigineuse chute
d’octobre 2007 au 6 mars 2009.
Regardons la situation d’aujourd’hui : Le Dow Jones a accompli d'un trait plus de 90% du chemin tracé à l’avance. Nous venons d’entrer dans la
zone rouge où
il n’est pas permis d’initier de nouvelles positions à l’achat car le
risque de se retrouver piégé est sérieux. A partir du 4 septembre
prochain, mieux vaut se dégager du marché actions, car non seulement la
probabilité de baisse sera mathématiquement supérieure à celle de
hausse mais surtout le potentiel de baisse sera au moins trois fois
supérieur à celui de hausse. Ce qui donnera une espérance mathématique
de gain confortable pour celui qui jouera la baisse, via l'achat de
puts ou la vente de contrats à terme.
Parlons chiffres : Quelle est la probabilité que je me trompe ?
Depuis maintenant 10 ans que je publie mes analyses je me trompe deux
fois sur dix. 25% environ des lecteurs ici présents vont accepter de
reconsidérer leurs positions. Mais seuls 4% vont finalement suivre mon
conseil. Si le marché continue de monter, ces derniers auront un manque
à gagner de 100, mais si le marché me donne raison, ils éviteront une
perte de 300. En conclusion, l’espérance mathématique de gain pour ceux
qui ne vont pas réagir ou qui vont même oser acheter est largement
négative. Au lieu de poser la question "pourquoi donc les marchés
vont-ils baisser ?", mieux vaut se poser la question de savoir jusqu’à
quel niveau le marché peut encore monter, et dans le cas où le château
de cartes s’écroule, de savoir quel est le risque réel pris.
La baisse prévue devrait s’arrêter vers le 27 novembre 2009. Mais elle
peut très bien continuer vers des profondeurs inattendues. Pour le
moment le marché respecte à la lettre la projection mathématique de la
période 1929-1932 et je le soupçonne fortement de se préparer à en
dévier à partir de fin novembre. On verra bien…
Capital.fr : Le dollar a rendu une grande partie des gains réalisés
entre juillet et octobre 2008. Quelles sont les perspectives du billet
vert ? Mostapha Belkhayate : Les Etats-Unis et le Royaume-Uni refusent
de regarder la réalité en face : la devise américaine a perdu en
crédibilité. Les grands détenteurs comme la Chine et le Japon n’ont
qu’une idée en tête : comment s’en débarrasser sans la précipiter vers
les abîmes. Les montages financiers et subventions étatiques mis en
oeuvre ne feront qu'attiser la défiance vis-à-vis du billet vert.Les
experts américains ont sous-estimé les conséquences de leurs manœuvres,
et les chinois le bourbier dans lequel ils se sont mis. Les premiers se
rendent compte que l’avenir de la devise américaine n’est désormais
plus sous leur contrôle et les seconds qu’ils devront faire de gros
sacrifices pour s’en sortir à temps. Le potentiel de hausse du dollar
devient de plus en plus faible, au fur et à mesure que la patience
asiatique s'amenuise. Certains croient que les américains ont piégé les
chinois. C’est mal connaître l’une des plus anciennes civilisations au
monde. La Chine a fait ce qu’il fallait faire pour devenir ce qu’elle
est aujourd’hui. Et maintenant elle sait qu’elle n’a plus aucun intérêt
à garder des dollars, sous quelque forme que ce soit. Le bon sens va
l’emporter sur le politique et la diplomatie, et je suis convaincu que
nous allons assister prochainement à une vente massive de dollars au
Japon. La baisse des cours qui suivra fera monter l'or.
Capital.fr : La faiblesse du dollar a déjà porté l'or vers la barre
des 1.000 dollars l'once. Quels sont les autres facteurs de soutien ?
Est-il encore temps d'accumuler du métal jaune ou peut-on espérer de
meilleurs points d'entrée dans une optique de long terme ? Mostapha Belkhayate : Le roi des métaux a très bien tenu pendant
la période de hausse récente des actions. Le cours de l'once aurait dû
refluer sous 800 dollars, ce qu'il n’a pas fait. Elle est restée très
solide et vaut désormais près de 950 dollars. Le plus important est la
configuration technique dessinée durant cette phase de correction. Une
figure qui s'est matérialisée une quinzaine de fois depuis dix ans.
Elle s'est systématiquement traduite par un fort mouvement d’impulsion
haussière, au moins égal à la base du triangle. Nous sommes
actuellement à la pointe de la figure et la probabilité que l’or
s’envole pour casser la barre des 1.000 dollars en septembre est de
90%. D’autant plus qu’il s’agit historiquement du mois préféré du métal
jaune, qui correspond à la période des festivités en Inde, le premier
consommateur mondial de bijoux.
Voici les triangles ascendants de l’or : Comme on le voit clairement dans le dernier triangle, la base est
d’environ 300 dollars, ce qui signifie que l’objectif de la prochaine
et imminente impulsion est de 1.250 dollars. L'once devrait même
rallier l'objectif de 1640 dollars d'ici 2015.
Cible à long terme pour l'once d'or : Voilà pourquoi le meilleur placement pour les six prochaines années
reste l’or physique. Les fonds souverains, qui sont quarante fois plus
puissants que les banques centrales, ont commencé à en accumuler, se
débarrassant des dollars sans trop faire de bruit. Le décollage de l'or
est imminent et imparable. Il serait dommage de le rater.
Capital.fr : Si les marchés vont baisser dans le sillage du dollar
et l’or monter, comment risquent de se comporter les bons du trésor
américain ? Mostapha Belkhayate : Ce marché représente des milliers de
milliards de dollars. Il est primordial pour prévoir l’évolution des
marchés financiers internationaux. Pratiquement toutes les banques sont
impliquées directement ou indirectement. Il est absurde de continuer à
faire l’autruche et ne pas voir ce qui saute aux yeux : un beau
triangle descendant avec une base qui promet des sueurs froides…à ceux
qui ne veulent rien savoir.
Evolution des prix des bons du trésor américain : Pas étonnant que les autorités américaines commencent à avoir des difficultés à
placer leurs
bons de trésor, peut être pour la première fois depuis quarante ans.
L'appétit des chinois a fortement diminué et les arabes commencent à se
lever de table. Les éléments sont désormais en place pour une probable
chute violente du dollar, accompagnée par une dévalorisation des bons
du trésor. Je vais jusqu’à parier que dans quelques jours les chinois
vont annoncer publiquement qu’ils sont
obligés de lâcher l’Amérique. Bien entendu ils vont utiliser d’autres mots, plus diplomatiques. Et là, on verra qui a la main…
Propos recueillis par Nicolas Gallant