Les compagnies d’assurances sont
exclues de fait des OPR SNI et ONA ! Du 24 Mai courant au 15 juin prochain, les initiateurs des
offres publiques de retrait des valeurs SNI et ONA, COPROPAR et SNI
seront obligés d’acheter tous les titres qui seront déposés dans le
cadre de ces OPR, afin de concrétiser l’objectif de radier de la Bourse
des Valeurs ces deux holdings qui représentent parmi les plus grosses
capitalisations de la cote casablancaise. Il ne fait pas de doute que
les actionnaires minoritaires personnes physiques souscriront à ces deux
offres qui sont très attractives en termes de prix proposés, 1900
dirhams l’action pour SNI et 1650 dirhams pour ONA. En ce qui concerne
les institutionnels, certains font partie des consortiums initiateurs
des OPR tels GROUP INVEST et LAFARGE SA avec COPROPAR pour SNI et
SIGER, Compagnie GERVAIS DANONE et BANCO SANTANDER, Axa Assurance Maroc,
Société Générale Marocaine de Banques, INVESTIMA et FIII avec SNI pour
ONA. Ceux-ci s’engagent à garder leurs actions comme AXA Assurance
Maroc, et donc ne souscriront pas aux OPR. Pour les autres
institutionnels, si les caisses de retraite sont totalement libres de
céder les actions ONA et SNI, les compagnies d’assurance, quant à elles,
sont prises dans un gros piège.
En effet, à la fin de 2007 et à la veille de l’application de la Loi de
Finances 2008 qui supprimait les avantages fiscaux sur les plus-values
réalisées par les compagnies d’assurance, plusieurs d’entre elles
avaient pris de gros bénéfices sur leur portefeuille actions pour
bénéficier une dernière fois des avantages en la matière. De ce fait,
elles avaient dégagé des plus-values importantes qui se sont retrouvées
bloquées dans leurs comptes de réserves du fait de la réglementation
des assurances. Celle-ci prévoit, en effet, que les actifs des assureurs
doivent se situer à 130 fois leurs engagements et donc en dessous de ce
taux de 130%, tout objet de vente de valeurs mobilières reste en
couverture dans la réserve technique de la compagnie d’assurances au
titre de la préservation des intérêts des assurés, comme l’a décidé la
Direction des Assurances et de la Prévoyance Sociale, (DAPS), du
Ministère des Finances. Cette contrainte s’accompagne d’une seconde
édictant que les entreprises d’assurances n’ont même pas la possibilité
de payer d’abord l’impôt sur cet enrichissement né de la plus-value
réalisée parce que le montant de la cession doit aller intégralement
dans la réserve technique.
Ce problème a donné lieu à des discussions depuis plus de deux ans entre
la Fédération des assurances et la DAPS. Celle-ci a admis le principe
de la diminution de ce ratio réglementaire de 130% à 120% niveau que les
assureurs contestent en proposant un ratio de 115%. Cette situation
relève d’un débat qui engage les intérêts de l’ensemble du secteur de
l’Assurance. Elle est, d’ailleurs, à l’origine de l’éloignement forcé
des assureurs de la Bourse parce qu’elle rend, sinon impossible, du
moins très difficile leur politique d’allocation d’actifs (ALM) et donc
la nécessité comme la pratique des va et vient sur le marché boursier.
La peste ou le choléra ?C’est dans ce contexte et pour ces raisons qu’à l’occasion des OPR
ONA, SNI, les compagnies d’assurances qui détiennent bien évidemment de
substantiels paquets d’actions de ces deux holdings, considérés comme
des valeurs de fond de portefeuille depuis longtemps, se trouvent donc
piégées. Souscrire aux OPR et vendre les actions ONA et SNI ne
manqueraient pas d’engendrer de la richesse pour les compagnies
d’assurance sous forme de plus-values plus ou moins substantielles. En
effet, ces compagnies détiennent des actions ONA et SNI depuis
longtemps. Cela signifie que leur acquisition a été faite à des prix
très faibles alors que les cours des deux holdings ont beaucoup
progressé ces dernières années. De plus, les valeurs de rachat proposées
par les initiateurs de ces opérations sont très alléchantes… Mais, si
elles devaient souscrire à ces opérations, elles se verraient dans
l’obligation de bloquer tout le produit dégagé dans la réserve technique
et de demander à la DAPS, en temps nécessaire, c’est-à-dire les 31 mars
suivant, l’autorisation de dégager des fonds pour payer les 37% d’IS dû
sur les plus-values boursières réalisées à l’occasion de ces deux OPR !
Ce qui reviendrait d’ailleurs à transgresser une réglementation des
assurances si sévère que la DAPS, elle-même, est obligée de contourner
en accordant, au coup par coup, de telles autorisations…
Toutefois, les compagnies d’assurances pourraient faire le choix de ne
pas souscrire aux offres en question et garder par devers elles leurs
actions ONA et SNI, ce qui n’est pas interdit d’autant que les
institutionnels des consortiums initiateurs de ces OPR sont dans ce cas,
puisqu’ils restent actionnaires d’ONA et SNI. Voilà qui aurait pu être
une bonne solution pour les compagnies d’assurances face aux difficultés
techniques de l’heure, sauf que là encore, elles se trouveraient dans
l’obligation de demander à la DAPS l’autorisation de les convertir
« d’actions cotées » en « actions non cotées », sachant que les
compagnies d’assurances ne peuvent détenir les actions non cotées qu’à
hauteur de la (petite) proportion de 15% de leur portefeuille,
proportion qui englobe tous les actifs sur autorisation et pas seulement
les actions non cotées. De plus, cette catégorie d’actifs détenus par
les compagnies d’assurance souffre d’une évaluation que l’autorité de
tutelle fixe à la valeur nette comptable des sociétés concernées même
s’il semblerait qu’elle pourrait revoir sa position trop orthodoxe en
adoptant dorénavant la valeur de l’actif net réévalué qui serait proche
d’une moyenne des récents cours boursiers.
La DAPS, inflexible ?La problématique des règles trop strictes imposées par la DAPS aux
compagnies d’assurances en matière de couverture de leurs engagements
est donc visiblement plus globalement contraignante qu’il n’y paraît.
Une libéralisation de ces règles permettrait au secteur des assurances
de participer de façon plus active au financement de l’économie à
travers des prises de participation dans les sociétés, cotées et non
cotées, de différents secteurs en ciblant les plus créateurs de
richesse. Si les institutionnels sont collecteurs d’épargne à long
terme, c’est bien pour la réorienter vers un financement éclectique de
l’économie. Encore faudrait-il, pour cela, que la DAPS allège certaines
des règles qu’elle édicte afin de leur permettre une politique
d’allocation d’actifs la plus large possible.
Dans l’intervalle, il faudra donc aux grandes compagnies d’assurances
porteuses de gros paquets d’actions SNI et ONA choisir entre deux
obligations aussi onéreuses l’une que l’autre. Soit faire leur deuil de
ces deux OPR pourtant si attrayantes afin d’éviter une taxation des
plus-values dont le montant sera dégagé sur leurs fonds propres ou
passer à la caisse lorsqu’il leur faudra convertir leurs actions cotées
en actions non cotées après autorisation du « gendarme », la DAPS. Un
dilemme aussi cornélien que coûteux !
Afifa Dassouli