Bonsoir tous le monde,
Les discussions sur les droit antidumping et sur les soi-disant mécanismes de défense commerciale me rappellent une anecdote assez amusante.
C’était il y a une dizaine d’année, lors de mes premiers pas en études approfondies en économie internationale pendant que l’ancre n’avait pas encore séché sur l’accord de libre échange avec l’UE. Lors d’un séminaire de droit économique international, avec une pointure en la matière, j’ai posé une question assez naïve mais qui redevient aujourd’hui assez pertinente. La question était tout simplement : « Pourquoi un tel accord devait être ratifié par le parlement marocain avant son entrée en vigueur ? ». La réponse de l’intervenant était toute simple : Pour qu’on ne puisse pas revenir dessus ! C’était l’Etat marocain qui s’engage et non le gouvernement. Il en est ainsi pour tous les autres accord de libre échange, dont celui avec les USA et au-dessus des deux accord (UE et USA) l’accord du GATT.
Revenons aux textes de ces accords et principalement celui avec l’USA qui nous intéresse particulièrement pour le cas de la SNEP qui fait couler tant d’ancre sur le Forum.
Article 2.8 :
1. Sauf disposition contraire dans le présent accord, aucune des Parties ne pourra adopter ou maintenir une interdiction ou une restriction à l'importation d'un produit de l'autre Partie ou à l'exportation ou à la vente pour exportation d'un produit destiné au territoire de l'autre Partie, sauf en conformité avec l'article XI du GATT de 1994 et ses notes interprétatives; à cette fin, l'article XI du GATT de 1994 et ses notes interprétatives sont incorporés au présent accord et en font partie, mutatis mutandis.
2. Les Parties reconnaissent que les droits et obligations découlant du GATT de 1994 incorporés par le paragraphe 1 interdisent, dans les circonstances où toute autre forme de restriction est prohibée, à une Partie d'adopter ou de maintenir:
a) des prescriptions de prix à l'exportation et à l'importation, sauf lorsqu'elles sont autorisées pour l'exécution d'ordonnances et d'engagements en matière de droits antidumping et compensatoires;
b) des mesures subordonnant l'octroi d'une licence d'importation au respect d'une prescription de résultats; ou
c) des freins volontaires à l'exportation qui sont incompatibles avec l'article VI du GATT de 1994, tel que mis en oeuvre aux termes de l'article 18 de l'Accord sur l'OMC sur les subventions et mesures de compensation et de l'article 8.1 de l'Accord sur l'OMC sur la mise en oeuvre de l'article VI du GATT de 1994.
Article 2.9 :
1. Conformément à l'article VIII:1 du GATT de 1994 et de ses notes interprétatives, chacune des Parties veillera à ce que toutes les redevances et tous les frais de nature quelconque (autre que droit d'importation et d'exportation, redevance équivalente à une taxe intérieure ou autre redevance interne appliquée de manière compatible avec l'article III:2 du GATT de 1994, et droit antidumping ou compensatoire appliqué conformément au droit d'une Partie) frappant ou en rapport avec l'importation ou l'exportation se limitent au coût approximatif des services rendus et ne constituent pas une protection indirecte de produits locaux ou une taxe à l'importation ou à l'exportation à des fins fiscales.
Fin des extraits de l’accord.
Ainsi, pour faire simple, le Maroc ne pourra mettre en place aucune mesure restrictive ou de protection commerciale sauf en cas d’application de droit antidumping conformément à l’article IV de l’accord du GATT.
Examinons cet article et ses accords interprétatives.
Article 2 : Détermination de l'existence d'un dumping
2.1 Aux fins du présent accord, un produit doit être considéré comme faisant l'objet d'un dumping, c'est-à- dire comme étant introduit sur le marché d'un autre pays à un prix inférieur à sa valeur normale, si le prix à l'exportation de ce produit, lorsqu'il est exporté d'un pays vers un autre, est inférieur au prix comparable pratiqué au cours d'opérations commerciales normales pour le produit similaire destiné à la consommation dans le pays exportateur.
Article 3 : Détermination de l'existence d'un dommage
3.1 La détermination de l'existence d'un dommage aux fins de l'article VI du GATT de 1994 se fondera sur des éléments de preuve positifs et comportera un examen objectif a) du volume des importations faisant l'objet d'un dumping et de l'effet des importations faisant l'objet d'un dumping sur les prix des produits similaires sur le marché intérieur, et b) de l'incidence de ces importations sur les producteurs nationaux de ces produits.
3.4 L'examen de l'incidence des importations faisant l'objet d'un dumping sur la branche de production nationale concernée comportera une évaluation de tous les facteurs et indices économiques pertinents qui influent sur la situation de cette branche, y compris les suivants: diminution effective et potentielle des ventes, des bénéfices, de la production, de la part de marché, de la productivité, du retour sur investissement, ou de l'utilisation des capacités; facteurs qui influent sur les prix intérieurs; importance de la marge de dumping; effets négatifs, effectifs et potentiels, sur le flux de liquidités, les stocks, l'emploi, les salaires, la croissance, la capacité de se procurer des capitaux ou l'investissement. Cette liste n'est pas exhaustive, et un seul ni même plusieurs de ces facteurs ne constitueront pas nécessairement une base de jugement déterminante.
Fin des extraits des accords interprétatives de l’article IV des accords du GATT
Ainsi, en conclusion :
· Le rêve de prescrire des mesures protectionnistes par le Maroc ne peut être envisagé qu’aux termes de l’article IV sur les droits antidumping du GATT ;
· Pour déterminer l’existence d’un dumping il faudra des éléments de preuve assez solide sur :
o Le Dumping ; (Càd que les producteurs US vendent leur produits moins chers au Maroc qu’aux USA, ce qui presque impossible, vu le développement de la branche PVC et ses techniques avancées)
o Que ce dumping cause dommage à la branche imputable directement aux effets dumping (et non au retard technologique, non aux problèmes sociaux, etc. etc.)
· Il faut faire la différence entre : le « moussage » que pratiquent certains administrateurs incompétents et la réalité devant les organisations internationales (OI), dont l’OMC. J’ai moi-même participé à des négociations avec des bailleurs de fond et des OI et parfois la réalité est amère : Des ministres écoutant religieusement les recommandations de responsables venus d’ailleurs et parfois même remis à leur place.
· Il faut comprendre que la Maroc est un « petit pays » au sens de la géopolitique internationale qui ne peut en aucun cas prendre des dépositions unilatérales. Il peut être un bon suiveur mais ne pourra jamais jouer le rôle du « grand pays ». Le livre de Gérard Kébabdjian « Les Théories de l'économie politique internationale » est une bonne introduction en la matière.
Au final, c’est facile de se lamenter sur notre sort et de donner de fausses espoirs. Mais il est trop tard. Il fallait y penser au moment de signature des accords et au moment où on dépensaient n’importe comment les aides de mise à niveau.
Bonne fin de week end