Les 4 défis qui attendent le prochain gouvernement marocainDéficits extérieurs, charges de compensation, chômage
des jeunes, retraites : quatre dossiers lourds. Le PJD mise sur la
multiplication des investissements, la réforme de la fiscalité et la
bonne gouvernance, mais cela suffira-t-il ?
Le nouveau gouvernement, qui sera constitué autour du PJD,
vainqueur des législatives du 25 novembre dernier, héritera d’une
situation économique marquée à la fois par des acquis nombreux à
consolider et des défis, tout aussi nombreux, à surmonter. Mais surtout,
il devra essayer de tenir la barre dans un contexte de crise
économique.
Au premier rang de ces difficultés, il y a les comptes
extérieurs. Ceux-ci sont au rouge, depuis quelque temps déjà, et cette
situation peut difficilement perdurer. Souvent, en effet, ce sont les
problèmes de balance de paiement qui mettent les pays sous les fourches
caudines du FMI notamment, auquel l’on s’adresse généralement lorsque
les autres prêteurs boudent !
Avec les déficits successifs du compte
courant et, depuis deux ans, de la balance des paiements, c’est, en
creux, le modèle de croissance qui est en question. Celui-ci, pour
simplifier, repose sur une demande intérieure, principalement satisfaite
par des importations, ce qui a conduit à un déficit structurel de la
balance commerciale. Et ce déficit est tel qu’il engloutit tous les
excédents réalisés dans la balance des services et même, depuis deux
ans, les excédents obtenus au titre des opérations financières.
Aujourd’hui,
si l’on parle de manque de liquidité dans le circuit bancaire, c’est
aussi en raison de ces difficultés persistantes sur le front extérieur.
Lorsque le ministère des finances sortant a dû, en octobre 2010, lever
un milliard d’euros sur le marché financier international, il l’a fait
en partie certes pour vérifier en quelque sorte l’état de la signature
marocaine, mais surtout pour atténuer la pression sur la liquidité
(exercée via l’emprunt sur le marché domestique) et réduire les
ponctions sur les avoirs extérieurs. Car, lorsque la balance des
paiements est déficitaire, comme c’est le cas depuis 2009, c’est sur les
avoirs extérieurs qu’est complété le financement des importations.
Les importations seront mieux surveilléesPour
redresser la situation, il faudra évidemment améliorer les
exportations, ce qui n’est pas une mince affaire. Non seulement parce
que la compétitivité ne se décrète pas, en tout cas ne se réalise pas du
jour au lendemain, mais aussi parce que les principaux partenaires du
Maroc, c’est-à-dire l’Union européenne, traversent une grave crise.
Lahcen
Daoudi, professeur d’économie et vice-secrétaire général du PJD,
estime qu’il y aurait également des marges à utiliser sur les
importations dans le sens de la réduction de celles qui ne sont pas
incompressibles. Même en rétorquant que les produits qui entrent dans sa
définition (c’est-à-dire dont il est possible de se passer) ne
représentent pas grand-chose dans le volume global des importations,
pour lui «tout est bon à prendre».
Dans son programme électoral, le
PJD a bien noté cette problématique en rappelant l’immense déficit
extérieur et en soulignant la concentration des échanges du Maroc sur
l’Union européenne. Ce qui laisse penser que lui au gouvernement
opérerait des ajustements à ce niveau, mais lesquels ?
L’autre
dossier chaud qui attend le prochain gouvernement, ce sont les charges
de compensation (voir graphe). Bien évidemment, ce n’est pas la
compensation en tant que telle qui pose problème, ce qui est souvent
dénoncé c’est la distribution indifférenciée de cette ressource
publique. Il faut bien voir que ce sont, en partie du moins, les charges
élevées de la compensation ces derniers temps qui ont creusé le déficit
budgétaire et conduit à un relèvement du taux d’endettement du Trésor.
Lahcen Daoudi déclare que son parti s’attaquera à ce sujet dès 2012, et
estime qu’il faudra réduire de moitié les charges de compensation.
Comment ? «En récupérant l’argent distribué à ceux qui ne le méritent
pas», confie-t-il à La Vie éco.
L’âge de la retraite à augmenter ?Pour
ce faire, le PJD a promis de lancer une réforme fiscale qu’il a
qualifiée de «performante» dès 2012. «Il s’agira, au sujet de la
compensation, d’imposer un peu plus les riches et de taxer davantage les
produits de luxe, généralement consommés par les plus aisés», explique
l’économiste du PJD.
Dans son programme électoral, le PJD a déjà
prévu d’adopter un nouveau système de TVA qui vise à exonérer les
produits et services de première nécessité et d’appliquer une TVA de 30%
aux produits de luxe. Rappelons que le gouvernement sortant a tenté
cette approche de récupération d’une partie de la subvention à travers
la création d’un fonds de solidarité financé par des contributions du
secteur financier, des hausses de taxes sur certaines catégories de
véhicules, entre autres, mais la mesure, comme on sait, a été retirée du
projet de Loi de finances déposé au Parlement. Le PJD reprendra-t-il
cette mesure ? «C’est possible, mais on verra avec nos partenaires», se
contente de répondre M. Daoudi.
Les retraites sont un autre défi que
le prochain exécutif devra relever. La situation des caisses de
retraite publiques notamment (la CMR et le RCAR) n’est pas reluisante,
des études ont été menées sur le sujet, il reste maintenant à prendre
des décisions, soit la partie la plus difficile. Car, réduire les
déficits qui menacent ces caisses exige soit des cotisations plus
importantes, soit un allongement de l’âge du départ à la retraite, soit
des réductions du niveau des pensions ; et dans tous les cas,
l’insatisfaction pour ne pas dire plus, est à peu près garantie. Et,
néanmoins, il faudra bien y aller, vu le rapport démographique, en
dégradation continue. Le PJD a promis de s’attaquer au dossier dès 2012.
Last
but not least, le chômage, des jeunes particulièrement, mérite
l’attention. Le taux de chômage qui frappe cette catégorie de la
population demeure élevé, et ce qui complique aujourd’hui cette
problématique, c’est que les jeunes sont de plus en plus instruits, donc
exigeants sur la qualité des emplois offerts. Or, cela est bien connu,
de par sa structure, l’économie marocaine, de manière générale, offre
des emplois de faible qualification, donc faiblement rémunérés. C’est
tout l’intérêt d’un projet comme Emergence qui ambitionne de doter le
pays d’une base industrielle à même d’améliorer la qualité à la fois des
produits exportés et des emplois créés (les deux étant liés).
Dans
ces conditions, comment ramener le taux de chômage de quelque 9%
aujourd’hui à 7%, comme le promet le PJD ? En multipliant les
investissements par deux, en favorisant la bonne gouvernance, «qui est à
la base de tout», et, couronnement, en portant le niveau de croissance à
7% par an. C’est tout le mal qu’on lui souhaite, comme ont dit...