La communauté économique et
financière du Maroc s’interroge sur la dynamisation du marché boursier.
Un séminaire fort instructif vient d’y être consacré. Certaines
similitudes avec la Tunisie incitent à prendre connaissance des débats
au Maroc. Extraits.I- Epargne longue : Consensus autour des incitations fiscalesElle pourrait financer davantage l'économie et les projets
d'infrastructures si elle est bien orientée. Des instruments
spécifiques sont à imaginer à cet effet.
Des projets structurants à financer d'un côté et de l'autre, une
épargne longue abondante, mais placée à court terme. Voici le constat
dressé lors du colloque sur les marchés financiers tenu récemment à
Skhirat. Qu'elle émane des investisseurs institutionnels (compagnies
d'assurances, Caisses de retraite…) ou des particuliers, cette épargne
va-t-elle accepter de supporter des taux d'impositions sans que la
durée du placement ne soit prise en compte? Bien entendu, la balance
penche en faveur du court terme à cause du système fiscal actuel.
«Sur le marché des actions, les investisseurs institutionnels ne
disposent que de programmes d'investissements de courtes durée (6 mois
à un an). La compagnie d'assurances devient plus un spéculateur qu'un
investisseur», a laissé entendre Thami Yahiyaoui, directeur adjoint à
la Direction des assurances et de prévoyance sociale (DAPS). Ce qui ne
permet pas à la Bourse de jouer pleinement son rôle de financement de
l'économie. Le nombre limité des opérations d'introduction en Bourse
par augmentation de capital ne fait qu'appuyer ce constat.
Par ailleurs, l'expérience internationale a démontré qu'on ne peut
construire un marché financier liquide sans une base solide
d'investisseurs individuels. En effet, si l'épargne des particuliers
pourrait davantage viser les projets d'infrastructures, elle devrait,
plus généralement, financer plus massivement l'économie, via les
investissements en actions. Or, actuellement, le Maroc est encore loin
du compte (environ 120.000 investisseurs individuels actifs). En
Jordanie, ce chiffre atteint 900.000 pour une population qui représente
le tiers de la nôtre. L'objectif de la nouvelle stratégie de la Bourse
est d'atteindre 500.000 investisseurs individuels à l'horizon 2015.
«Pour y arriver, il faut mener des actions auprès des autorités pour
favoriser le développement de l'épargne à long terme par des mesures
fiscales incitatives. Une étude commandée par la Bourse des valeurs de
Casablanca a montré que la plupart des pays émergents comparables au
Maroc ne prélèvent aucun impôt sur les plus-values boursières. Tout
cela pour que la spéculation ne prenne pas le dessus sur l'épargne à
long terme», a souligné Karim Hajji, directeur général de la BVC. Tout
l'art est de pouvoir inventer une fiscalité mieux adaptée aux besoins
et spécificités du Maroc. D'ailleurs, tous les professionnels du marché
appellent à imaginer des instruments spécifiques pour orienter
l'épargne vers des placements à long terme.
Selon le GPBM (Groupement professionnel des banques du Maroc), « il y a
mérite que soit enfin disponible un outil d'épargne longue, celui qui
permet d'opérer un arbitrage très clair entre un horizon de détention
de court terme et celui de plus long terme. L'élément discriminant est
la fiscalité». Même son de cloche au niveau de l'APSB (Association
professionnelle des sociétés de Bourse), « il est urgent que soit mis
en place, dans la panoplie des produits offerts aux particuliers, un
produit simple, «décrypté» pour le plus grand nombre à fort effet de
levier fiscal». Le Plan d'épargne actions (PEA), car, c'est de lui,
qu'il s'agit peut attirer vers les marchés financiers et
l'investissement des entreprises une grande partie de l'épargne
individuelle. Seulement, pour le côté fiscal, les professionnels
comptent y aller doucement, sachant que sous d'autres cieux, en Tunisie
par exemple, est acceptée la déductibilité fiscale de la contribution à
un PEA.
«On n'a pas voulu être spécifique sur les avantages fiscaux. On veut un
début constructif avec les autorités pour arriver à des solutions
raisonnables pour toutes les parties», a indiqué Karim Hajji. Bref,
dans la confection de ce produit, un bon équilibre entre risque et
sécurité est à assurer dans un contexte où la confiance des épargnants
doit être un objectif et une contrainte permanents.
Gestion non réguléeL'épargne institutionnelle est composée des réserves techniques
provenant des compagnies d'assurances et des fonds des organismes de
retraite et de prévoyance sociale. Aujourd'hui, la collecte de
l'épargne par les assureurs et les Caisses de retraite est estimée à
quelque 30 MMDH par an, (soit 5% du PIB) dont 25 MMDH sont collectés
par ces dernières.
Si en matière de l'assurance-vie, les compagnies d'assurances disposent
d'un cadre réglementaire qui définit les modalités de gestion de
l'épargne longue pour éviter des placements financiers hasardeux, les
Caisses de retraite ne jouissent pas de cadre légal en la matière.
Hormis la CNSS obligée de déposer son épargne auprès de la CDG, les
autres caisses disposent chacune de sa propre stratégie de placement.
Une situation qui devrait être traitée dans le cadre de la réforme de
la Caisse de retraite.
II- Produits dérivés : Vers un marché liquide et efficientOn en parle depuis la fin du siècle dernier, le marché à terme étoffera
dans quelques mois la galerie des produits négociés sur le marché
financier marocain.
Casablanca sera ainsi la deuxième place africaine dotée d'un marché standard dédié aux produits dérivés après Johannesburg.
Elaboré par la direction du Trésor, en concertation avec le CDVM,
Bank-Al-Maghrib et l'APSB, le projet de loi a été adopté par le Conseil
de gouvernement en juillet 2009 et sera probablement soumis au vote
lors de la prochaine session parlementaire. Les professionnels,
principalement les compagnies d'assurances, les banques et les
organismes de prévoyance sociale, auront à disposition un outil
pratique qui leur permet de se couvrir contre les risques du marché.
Par définition, un achat à terme est un achat différé dont les
conditions (prix, date, etc.) sont fixées dès la conclusion du contrat.
Le paiement et la prise de livraison interviennent «au terme»,
c'est-à-dire à une date ultérieure connue d'avance. Il s'agit-là d'un
instrument financier qui spécifie la quantité et la date auxquels se
fera l'achat (ou la vente) d'un actif sous-jacent particulier, et ce au
prix déterminé au moment de la transaction. Le détenteur d'un contrat à
terme doit obligatoirement, à son échéance, s'acquitter de son
engagement.
Le Maroc a opté pour une architecture juridique à la fois souple et
ouverte. En gros, le projet prévoit trois grandes catégories de
familles de produits : les contrats à terme fermes, les contrats
optionnels et les contrats de change. Pour assurer le bon
fonctionnement de ce nouveau marché, deux institutions seront mises en
place: une entreprise gestionnaire dite de marché et une Chambre de
compensation, avec chacune un règlement général approprié. De même, le
législateur a accordé une attention particulière aux garde-fous
nécessaires à même d'éviter la dérive aux produits dérivés en concevant
un mode de supervision duale fixant les prérogatives des deux
régulateurs, à savoir le CDVM et Bank Al-Maghrib.
Le marché à terme sera en mesure de donner une nouvelle dimension à la place de Casablanca. Mais avant d'y arriver, des préalables doivent être clairement
identifiés. Notamment sur le registre de la liquidité. Certains pensent
que ce marché est un facteur-clé de création de cette liquidité. Ce
n'est absolument pas l'avis de Catherine Lubochinsky, membre du Cercle
des économistes en France. Selon elle, il ne peut que contribuer à la
créer mais à condition d'abord que le marché «au comptant» soit déjà
liquide et efficient. Ensuite, si l'actif sous-jacent est constitué de
bons de Trésor (ce sera vraisemblablement le schéma initial retenu pour
l'expérience au Maroc), toujours selon C. Lubochinsky, il doit y avoir
une courbe de taux couvrant les différents compartiments. Or, l'on sait
la nature des contraintes qui empêchent le Trésor d'assurer une
présence régulière sur le marché des adjudications, notamment au niveau
des maturités longues. Les excédents budgétaires générés pendant les
deux derniers exercices (35 milliards DH en 2008), conjugués au souci
d'éviter d'être à l'origine des taux variables, justifient clairement
l'absence du Trésor sur ce créneau.
Une situation qui ne remet nullement en cause l'efficience du marché
obligataire marocain qui jouit d'une excellente image ne serait-ce que
sur l'échiquier financier africain. Maintenant, s'agissant de la courbe
des taux, soi-disant indispensable pour l'efficience du marché à terme,
une fois avoir bouclé la réforme des taux variables, le retour du
Trésor sur le marché obligataire des maturités longues se ferait de
manière quasiment automatique, quitte à ce que les volumes en jeu
soient corrélés mathématiquement au PIB de la nation. Le ministère des
Finances mène une réflexion dans ce sens, apprend-on de Zouheir Chorfi,
directeur du Trésor et des financements extérieurs.
Aux origines du concept...Les marchés à terme permettent aux agents économiques de se protéger du
risque des variations des prix (fonction d'endiguement) ou d'essayer
d'en profiter (fonction de spéculation). Ces deux fonctions sont
indissolublement liées, puisque certains agents ne peuvent endiguer les
risques que si d'autres agents acceptent de les assumer. Les
institutions spécialisées dans les échanges à terme des matières
premières ont appliqué les mêmes principes pour organiser des
transactions à terme sur les actifs financiers. Amorcé dès 1972 avec la
création de l'International Monetary Market, filiale du Chicago
Mercantile Exchange, offrant dans un premier temps des contrats à terme
sur les devises étrangères, le mouvement sera accéléré en octobre 1975
avec l'instauration de transactions à terme sur les créances
hypothécaires garanties par la «Government National Mortgage
Association». Les marchés à terme de taux d'intérêts, offerts au départ
à Chicago, ont été organisés pour certains contrats à New York à partir
de 1978, puis dans certains centres financiers en dehors des
Etats-Unis. En octobre 1982 a été ouvert à Chicago un marché à terme
des options négociables. L'essor des marchés à terme de taux d'intérêts
tient à la hausse et à l'accroissement de la variabilité des taux
d'intérêts. Il n'est pas fortuit que les premiers contrats à terme
aient concerné, à travers les créances hypothécaires, le secteur du
logement si sensible aux variations du taux d'inflation et des taux
d'intérêts.
III- Interview de Karim Hajji : «Les conditions sont favorables à de nouvelles introductions»Six mois après sa nomination, le patron de la société gestionnaire du
marché boursier vient de dévoiler, cette semaine, les grandes lignes
d'une nouvelle stratégie de développement portant sur la période allant
de 2009 à 2015. Dans cette interview, Karim Hajji passe également en
revue d'autres sujets au centre des débats entretenus lors du Colloque
sur les marchés financiers organisé à Skhirat.
ECO Plus : La Bourse de Casablanca joue-t-elle vraiment le rôle de mobilisateur d'une épargne longue au Maroc ?Karim Hajj : La Bource de Casablanca est une institution qui peut
contribuer de manière importante à la canalisation de l'épargne à long
terme. Aujourd'hui, les entreprises financent l'essentiel de leurs
investissements par l'endettement bancaire. Ce qui ne veut pas dire que
la Bourse est un concurrent du secteur bancaire. Elle est plutôt un
complément indispensable. D'ailleurs, partout où les marchés financiers
se sont développés, les banques ont pu améliorer leurs activités ainsi
que leur rentabilité.
Le levier fiscal est décisif dans la mobilisation de l'épargne
boursière. Quelles sont les mesures vivement souhaitées par les
professionnels ?Nous menons des négociations avec les Finances (direction des
Impôts) pour reconduire les avantages fiscaux favorables à
l'introduction des PME en Bourse (abattement sur l'IS en cas
d'augmentation de capital). Ces dispositions viennent à échéance le 31
décembre 2009. La deuxième idée consiste à moins fiscaliser, voire
défiscaliser l'épargne à long terme.
C'est bien l'idée des plans d'épargne, type PEA…
Il y a d'autres moyens que le PEA. C'est effectivement l'un des dispositifs mais il n'est pas le seul.
On en parle depuis quelques années, le projet de Loi de finances 2010 pourrait-il introduire des plans incitatifs de ce type? Non, je ne le crois pas. La mobilisation de l'épargne longue passe
aussi par une meilleure vulgarisation de la culture boursière…
Dans le cadre de la nouvelle stratégie 2009-2015, nous avons
l'intention de poursuivre notre programme de vulgarisation boursière à
travers des actions ciblées au niveau de l'«Ecole de la Bourse», mais
aussi à travers notre site Web et d'autres moyens de communications.
S'agissant du «Marché à terme», en quoi consiste votre implication dans la mise sur pied de ce projet ? Il y a d'abord des préalables d'ordre réglementaire qui nécessitent
l'implication des pouvoirs publics. Il faut que la loi soit votée par
le Parlement. Ensuite, il faut que le ministère des Finances sorte les
décrets d'application ainsi que les cahiers des charges de la société
gestionnaire et de la Chambre de compensation. La Bourse de Casablanca,
elle, a un rôle à jouer en termes de formation des intervenants et de
rédaction du règlement général de la société gestionnaire. La Chambre
de compensation fera son propre règlement général. Car il n'est pas dit
que celle-ci soit l'émanation de la Bourse de Casablanca. A ce stade,
il est encore tôt pour en parler. On doit également préparer la mise en
place du système d'information qui sera différent de celui du marché
«au comptant». Enfin, nous devrons mettre en place des liens avec la
Chambre de compensation ainsi que le dépositaire pour assurer la
fluidité des opérations. Sans oublier bien évidemment le volet
''gestion des risques''.
Il est aussi possible que l'entreprise de marché, prévue par le texte
de loi, ne soit pas l'émanation de la Bourse de Casablanca…
Ce n'est pas nécessairement le cas. Ça pourrait être la Bourse de
Casablanca comme ça pourrait être une nouvelle institution. Rien n'est
arrêté de manière définitive.
Est-il difficile de regrouper à la fois la gestion et la compensation dans une seule entité ?Les modèles à l'étranger sont plutôt en faveur d'une Chambre de
compensation séparée de la société gestionnaire. Il faut savoir que la
Chambre de compensation a un statut d'établissement de crédit du fait
qu'elle agit en tant que ducroire vis-à-vis des intervenants du marché.
Elle se substitue aux engagements des uns et des autres. A partir du
moment où vous avez une Chambre de compensation, l'acheteur et le
vendeur ne traitent plus l'un avec l'autre. C'est cette Chambre qui
garantit la bonne fin des opérations. A ce titre, elle est régie par
Bank-Al-Maghrib parce qu'elle accorde de facto des crédits aux membres
même s'il ne s'agit que de crédits de quelques jours.
La Chambre de compensation pourrait être l'émanation des banques…
C'est un scénario qui a existé dans le monde mais ce n'est pas
nécessairement la seule solution possible. Ça peut être aussi un
établissement dont les membres seront actionnaires. Le dépositaire
central Maroclear pourrait jouer à la limite ce rôle. Mais je ne pense
pas que ce sera le souhait des autorités financières du pays. Celles-ci
préfèrent que ce soit un organisme indépendant pour bien délimiter les
risques et les souscrire, de sorte à éviter que des risques systémiques
se propagent à d'autres institutions. Je pense que la chose a été
analysée et l'on s'achemine vraisemblablement vers une Chambre de
compensation séparée des banques, de Maroclear et de la Bourse de
Casablanca. Ce sera probablement une nouvelle entité avec son propre
règlement, ses propres statuts et un capital minimum de 100 millions
DH. Les banques et la Bourse de Casablanca peuvent à la rigueur y
adhérer en tant qu'actionnaires.
Vous faites de l'internationalisation de la Bourse de
Casablanca votre cheval de bataille. Quelle sera votre stratégie dans
ce sens ?Il s'agit de convaincre les entreprises de l'Afrique de l'Ouest ou
du Maghreb de venir soit pour se faire coter à Casablanca, soit pour
avoir une double cotation. L'idée est de faire en sorte que Casablanca
soit une Bourse régionale. Chose qu'elle est, à mon avis, à même
d'assurer convenablement. Etant donné que nous sommes de loin la
première Bourse dans la région du Maghreb et en Afrique de l'Ouest.
Cela implique des préalables
réglementaires, notamment pour autoriser la sortie des devises. Les
autorités seront-elles favorables à cette piste ?Je pense que les autorités comprennent parfaitement l'intérêt de
faire de Casablanca une Bourse régionale capable d'attirer des
émetteurs et des investisseurs de ces deux régions. Même si, dans un
premier temps, on risque d'accepter que des devises sortent du pays.
Parce que si vous listez une entreprise issue de cette région à
Casablanca, c'est clair que vous allez accepter qu'elle lève des
capitaux et qu'elle les transfère dans son pays d'origine.
Mais à long terme, on aura probablement plus d'entrées de devises que leurs sorties.
Parce que Casablanca sera érigée en pôle de liquidité régionale pour
les investisseurs étrangers émettant à Londres, à Paris ou à New York.
Ces derniers, au lieu de se tourner vers des petites places comme
Tunis, Abidjan, Alger ou Libreville, feront le choix d'une seule place,
à savoir Casablanca. C'est un pari qui demande du temps et beaucoup de
travail. Cela dit, nous avons la chance d'avoir des entreprises
marocaines qui se sont déjà internationalisées en Afrique, pour ne
citer qu'Attijariwafa bank, BMCE et Maroc Telecom. Cela nous permet
d'avoir un vivier dans lequel on peut puiser pour élargir la cote, dans
la mesure où ces entreprises peuvent inciter leurs filiales à venir
''lever des fonds à Casablanca''.
Comment alors parvenir à réduire l'impact de cette ouverture sur la balance des paiements? Je pense que nous pouvons limiter ces opérations aux seules
entreprises de la région. On peut également les limiter aux entreprises
d'une certaine taille et à des montants raisonnables.
Quelques semaines après votre nomination, vous avez tablé sur au moins
une ou deux nouvelles introductions avant la fin de l'année…
Malheureusement, on a beaucoup de mal, je dois le reconnaître, à mener
une opération d'introduction en 2009. Alors que les conditions du
marché me paraissent plutôt favorables. Le contexte actuel est propice
pour de nouvelles cotations. Aujourd'hui, le ''multiple moyen'' sur le
marché, par rapport au résultat 2009 estimé, tourne autour de 18. Une
entreprise qui souhaite s'introduire en Bourse pourrait se coter à 14
ou 15 fois le résultat espéré. C'est quand même un ratio attrayant.
Une année entière sans IPO, c'est un scénario imprévu et inhabituel…
Malheureusement, on a déjà vécu un cas pareil entre 1999 et 2002. La
Bourse était dans une mauvaise passe après la correction de 1999.
N'y a-t-il pas de recette particulière pour mettre fin à ce climat de désistement ?On aimerait bien que l'Etat donne l'exemple. Dans une situation
pareille, on se tourne souvent vers l'Etat pour qu'il nous apporte son
aide. On a vécu la même situation en 2004. Après une longue période de
respiration, c'est l'introduction de Maroc Telecom qui a permis de
relancer la Bourse. Maintenant, si l'Etat fera une belle introduction
d'ici la fin de l'année, la relance sera certainement au rendez-vous.
IV- Point de vue de Salaheddine Mezouar : «Les réserves de la BVC seront affectées au développement»*Salaheddine Mezouar, ministre de l'Economie et des Finances. «…Pour ce qui est de l'axe relatif au renforcement de la supervision de
notre système financier, nous avons décidé de reformer le cadre légal
et réglementaire régissant les autorités de contrôle en charge du
marché des capitaux et du secteur des assurances.
C'est ainsi que le CDVM verra son statut évoluer vers celui d'une
personne morale publique, avec le renforcement de la collégialité de
son conseil et la constitution d'un collège de sanction indépendant.
Le projet de loi portant réforme du CDVM devra être présenté incessamment au Conseil de gouvernement.
Concernant le marché boursier, nous allons poursuivre notre action
visant à faire évoluer le statut de la société gestionnaire et
permettre une diversification de l'actionnariat de cette société par
l'ouverture de son capital.
Cette diversification devra favoriser une meilleure implication des
principaux intervenants sur le marché des capitaux dans la définition
des orientations stratégiques de cette institution.
Dans ce cadre, des concertations ont eu lieu avec les principales
institutions concernées et un schéma devant permettre la concrétisation
de cet objectif a été arrêté.
L'amendement de la loi relative à la Bourse devant acter cette
évolution a été finalisé et transmis au secrétariat général du
gouvernement en vue de son adoption.
Il reste que l'ouverture du capital de la société gestionnaire de la
Bourse suppose au préalable de décider de l'affectation des excédents
accumulés par cette institution des années durant.
Aussi, et après concertations, nous avons décidé que ces fonds,
auxquels tous les intervenants du marché ont contribué, soient affectés
au développement sécurisé de la place financière de Casablanca à
travers notamment la mise en place d'un Fonds de garantie et la
création du marché à terme.
Je tiens à ce stade à rendre hommage à l'esprit constructif de nos
partenaires, en l'occurrence l'APSB et la Bourse de Casablanca dans
leurs discussions avec la direction du Trésor et des financements
extérieurs».
*Extrait de l'intervention de Salaheddine Mezouar, ministre de
l'Economie et des Finances, à l'ouverture du colloque sur les marchés
financiers.
V- Point de vue de Othman Benjelloun : «Il faut donner du sens aux actions de modernisation des marchés»*Othman Benjelloun, Président du Groupement Professionnel des Banques du Maroc (GPBM). «… En plaidant pour l'élargissement de la cote de Casablanca au-delà
des quelque 70 titres listés, c'est la petite et moyenne entreprises
dont on encourage l'accès au financement.
En étant également cotés, les fonds immobiliers (sociétés foncières
ou de promotions immobilières) permettront qu'un investisseur de base
ou un institutionnel puisse diversifier ses placements dans des
secteurs dont le potentiel est encore inépuisé au Maroc.
En diversifiant ses risques, il n'est plus tributaire de la santé financière d'une seule entreprise.
Appeler à l'augmentation du flottant des entreprises cotées au-delà des
20% du capital, c'est souhaiter que davantage de titres soient
disponibles pour le grand public et pour les ''véhicules
d'investissements stratégiques'' de long terme.
Prôner l'ouverture de la cote aux sociétés étrangères, c'est espérer
aux investisseurs locaux d'accéder aux fruits de leurs performances et
projets, permettant, du coup, d'accroître l'attractivité du Maroc en
tant que terre d'investissements.
Le sens à donner à l'accélération de la mise en place des outils de
titrisation sur le marché obligataire, c'est, au-delà d'élargir la
palette des produits qui y sont ''transigés'', dynamiser la politique
d'engagements des banques, pourvu que les cédants puissent garder une
proportion de ces actifs titrisés, comme le recommandent à Pittsburg, à
Londres et ailleurs les cercles du G-20.
Lorsqu'on plaide pour l'élargissement du marché obligataire à la dette
privée, c'est outre le rendre plus liquide, c'est le rendre moins
tributaire des besoins de financement de l'Etat.
C'est permettre que le coût de financement des entreprises qui y
accèdent se rapproche et, vice-versa, du coût de financement bancaire.
Les collectivités locales ou les financements des infrastructures ou
concessions méritent d'accéder pareillement à la cote obligataire».
* Extraits de l'allocution du président du GPBM, Othman Benjelloun,
prononcée par Brahim Benjelloun, administrateur DG de BMCE Bank.
I- Deux questions à Youssef Benkirane : «Nous devons doter le Maroc du marché qu'il mérite»
Youssef Benkirane, Président de l'Association Professionnelle des Sociétés de Bourse (APSB). Qu'est-ce qui justifie l'organisation d'un colloque sur le marché financier ? L'enjeu du colloque de Skhirat consiste d'abord à mobiliser
l'ensemble des acteurs sur le marché, qu'ils soient issus du public ou
du privé, émetteurs, gestionnaires, investisseurs, etc.
Il s'agit de réunir toutes ces personnalités autour de la problématique du développement du marché et de sa modernisation.
C'est donc un évènement qui se veut mobilisateur et refondateur de la place financière de Casablanca.
De plus, on a tous assisté à une crise financière internationale depuis le deuxième semestre 2008.
Celle-ci a eu un impact plus psychologique que fondamental sur notre marché boursier.
Les professionnels ont souffert d'une crise de notoriété dans ce contexte précis.
Tout cela justifie à mon avis l'organisation de cet événement.
Durant tous ces échanges, il faut garder en toile de fond la
confiance qui s'est considérablement altérée et qu'on doit restaurer à
tout prix.
Derrière les sociétés de Bourse, il y a des investisseurs, des émetteurs, des emplois, enfin toute une économie.
C'est pour cela que nous devons doter le Maroc du marché qu'il mérite.
Pourquoi avoir consacré un panel à la thématique de l'épargne longue ? Pour nous, il est extrêmement important que le marché dispose d'une épargne longue et stable.
Il y va de l'efficience de ce marché. En l'absence d'une épargne
longue, on risque d'être assujettis à la spéculation comme cela a été
le cas ces dernières années.
Cette situation s'est soldée par des corrections brutales qui ont fini
par faire perdre de la confiance aux investisseurs. Aujourd'hui, on ne
fait pas de distinction entre les investisseurs à court terme et ceux
visant le long terme. Ils sont tous traités de la même manière.
D'un point de vue fondamental, la mobilisation de l'épargne longue
permet de financer les investissements, de créer des emplois et donc
d'accélérer la croissance. Malheureusement, ce n'est pas encore le cas
au Maroc.
Nous restons dans une économie où la majorité des entreprises
continuent à se financer par l'endettement bancaire et non pas par le
marché.
Cela dit, on ne va pas changer le sens de l'histoire, nous devrons
devenir plus une économie de financement qu'une économie d'endettement.
In : Eco Plus
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